L'absence de prépuce n'est pas compatible avec l'humour

Sauf à vivre dans une fort, fort lointaine galaxie dans un autre espace-temps, ou, pour le moins, loin des petites actualités françaises sans grande importance, vous ne pouvez pas ignorer totalement l'affaire de l'humoriste Guillaume Meurice et de la direction de France Inter, radio du groupe Radio France.
Pour les quelques personnes qui ne sont pas au courant, qui n'écoutent pas cette radio, qui ne lisent pas les journaux, qui refusent l'actualité, Guillaume Meurice a fait une blague, en octobre dernier, à quelques jours de Halloween. Dans cette blague, il assimilait Benyamin Netanyahou à une "sorte de nazi sans prépuce". Soudain, les accusations d'antisémitisme fusèrent de toute part. Par la suite, il a été convoqué par les services de police et il a dû expliquer sa blague. Le procureur saisi de l'affaire l'a classée sans suite. Fin du premier acte.
Deuxième acte. Dans l'émission "Le grand dimanche soir" où il officie en tant qu'humoriste, Guillaume Meurice remet une pièce dans la machine en racontant que la plainte portée contre lui a été officiellement été classée sans suite et que donc, il a le droit de dire que Benyamin Netanyahou est un nazi sans prépuce.
Là, la direction de France Inter convoque Guillaume Meurice qui est mis à pied en attendant de possibles sanctions.

Bon. Nous en sommes là. Guillaume Meurice a écrit un livre qui se vend bien et retrace cette histoire. On peut ne pas apprécier Guillaume Meurice, ne pas goûter son humour, le considérer comme "trop de gauche" ou "pas impartial" ou "pas drôle". On peut juger sa blague comme "mauvaise", "nulle", "à chier". On a surtout le droit de ne pas l'écouter.
Je ne pense pas qu'il soit bon que soit instituée une police de l'humour. Individuellement, nous avons tous le droit d'apprécier l'humour d'autrui à la lumière de ses idées, de sa culture, de son éducation, de son histoire. L'humour n'est pas universel. Lorsque l'on fait de l'humour sa profession, on sait que l'on ne peut pas être bon à chaque fois. Lorsque l'on fait de l'humour en lien avec l'actualité (c'est le cas dans l'affaire présente), on sait qu'il n'est pas toujours simple de trouver matière à rigoler. La question n'est pas de savoir si la blague de Guillaume Meurice est bonne ou mauvaise. C'est à chacun de voir. Même, je comprends que l'on puisse être choqué. Bon. Maintenant, il y a le contexte. Benyamin Netanyahou est le Premier ministre de l'état d'Israël comme Gabriel Attal l'est de la France. La chronique de Guillaume Meurice et sa blague visaient le chef d'état et son action vis-à-vis de la Palestine. Sur ce point, on peut penser ce que l'on veut (on peut même ne pas penser). Guillaume Meurice pense ce qu'il pense et il le fait savoir. Il condamne l'attitude d'Israël. Il est peut-être bon de préciser ici que certaines organisations (Nations unies, Fédération internationale pour les droits humains, Cour internationale de justice ou encore l'Afrique du sud) parlent de génocide contre le peuple palestinien. A ce que j'ai pu entendre, personne ne prend la défense du Hamas (qui a tué plus de mille Israéliens lors de l'attaque du 7 octobre 2023.
Faire le parallèle entre nazi et absence de prépuce, c'est dire que Netanyahou est juif (c'est probable), qu'il est circoncis (ce n'est pas impossible) et qu'il agit comme les nazis l'ont fait en leur temps. Si on simplifie, c'est dire que juif=nazi. Forcément, ça crispe les esprits.
Maintenant, peut-on critiquer Israël sans être antisémite (ou plutôt contre les Juifs) ? Selon moi, oui. Peut-on faire de l'humour contre le Premier ministre de l'état d'Israël ? Pour moi, oui aussi. Peut-on dénoncer Israël pour défendre les Palestiniens ? Pourquoi pas. Peut-on être provocateur dans une émission radiophonique a succès qui est appréciée justement pour son ton ? Bien sûr.
Dans les années 80, dans le sillage de Hara-Kiri, Jean-Marie Gourio et Philippe Vuillemin sortent "Hitler=SS". Les deux auteurs sont accusés de racisme, d'antisémitisme et la bande dessinée est interdite (de vente aux mineurs et d'exposition). Ils sont jugés coupables. Que l'humour de Gourio et Vuillemin soit notoirement de mauvais goût, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Que cette bande-dessinée soit un plaidoyer pour le nazisme et une incitation à la haine contre les Juifs, certainement pas. Je l'ai lue, cette BD. D'abord dans les pages de Hara-Kiri et, plus tard, en album. Bien sûr que c'est crade, bien sûr que c'est outrancier, bien sûr que c'est de l'humour noir ! Evidemment et bien entendu et heureusement. Est-ce que cette BD nie l'holocauste, la Shoah, le génocide et les six millions de Juifs assassinés par les nazis ? Non. Est-ce qu'elle glorifie cela ? Non. Est-ce qu'elle excuse tout ça ? Non.

La vraie question est à présent de décider s'il est bon pour la société d'interdire certaines formes d'humour. On peut soutenir que tout humour qui risque de déplaire à un individu ou à un groupe humain, de stigmatiser, de se moquer est susceptible de créer mécontentement et colère et que cela peut nuire au calme auquel tout un chacun aspire. Une charte de l'humour de bon goût, validée par les instances supérieures, contrôlée par une assemblée constituée de personnes issues de la diversité culturelle, ethnique, confessionnelle, philosophique (…) pourrait être rédigée. Chaque candidat à la profession d'humoriste devrait s'engager à respecter cette charte et la société serait plus sereine. Ce serait bien.

Humour de bon goût
Ne rions pas de tout

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