Si l'on devait s'en tenir à la vérité il nous faudrait nommer notre grand reporter par son vrai prénom mais celui-ci préfère que l'on utilise cet autre prénom qu'il a choisi pour son étymologie grecque qui le définit si bien. Nous l'appellerons donc Grégoire.
Grégoire, donc, est grand photo-reporter pour le petit quotidien de Bazels-sur-Vourre qui peine à écouler son tirage de 100 exemplaires. Chaque jour de l'année, il enfourche sa terrible machine pour couvrir les événements qui ne manque pas de survenir dans la petite commune. S'il est sans doute le meilleur photographe du journal (il en est aussi l'unique), il peut se targuer d'avoir ce que l'on appelle une « belle plume » et de maîtriser à la perfection et ceci presque sans fautes d'orthographe la langue française. Du reste, les quelques lecteurs de ses papiers ne manquent pas de le féliciter.
Ce matin là, Grégoire est "sur le coup" d'une grosse affaire. Au petit matin, le père Jobard a renversé la remorque de son tracteur en plein centre-bourg et le chargement est allé jusque dans les locaux de la charcuterie Jobard et fils. Comme tous les Jobard de la commune, tous de la même famille à un degré ou à un autre. Et ce n'est pas un hasard si Grégoire est le cousin de Lucien Jobard, le célèbre charcutier de Bazels-sur-Vourre réputé pour sa terrine au cochon et aux herbes du jardin.
Sur la place de l'église, Bernard Jobard et Lucienne Jobard, respectivement maire et adjointe au maire de la belle commune de Bazels-sur-Vourre et frère et sœur l'un de l'autre et inversement, sont déjà sur les lieux. Déjà, les badauds se réunissent et donnent leur point de vue sur la meilleure façon de sortir par le haut de cet état de crise qui ne manquerait pas de perturber la circulation si jamais quelqu'un d'étranger à la commune venait à s'aventurer là.
Madeleine Jobard, après avoir salué Henri Jobard, son demi-frère par alliance, pressa la pas en claudiquant pour prendre dans ses bras sa cousine germaine Germaine effondrée de voir tant de malheur de telle sorte que l' « on en avait pas vu de semblable depuis la dernière guerre ». Baptiste, le fils aîné de son père Jobard grimpe sur le tas de betteraves à vache et s'acharne à jeter les tubercules dans la remorque renversée sans comprendre que sa tâche désespérée est vouée à l'échec. La tension est palpable.
D'un coup, le ronflement de la motocyclette se fait entendre et pour tous, c'est bien le signe que Grégoire va bientôt arriver. Tout un chacun s'arrange pour la photo qui sera dans une prochaine édition spéciale du journal local. En moins de cinq minutes, le reporter est déjà là et réalise quelques photographies dont il a le secret. Après que tout cela a été consigné sur la pellicule, le maire, sa sœur, ses cousines, cousins, tantes et oncles, enfants et ancêtres se dirigent vers la salle communale où vont être servies quelques boissons réconfortantes et désaltérantes.
Après ces libations, il est décidé que l'on laissera là les betteraves fourragères et que l'on mènera vaches et cochons sur place pour qu'ils se régalent. Et comme on le dit souvent à Razels-sur-Vourre : Tout est bien qui finit bien !
11 réactions
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1 De Jeannot lou Paysan -
@Michel:
Ouais...Eh bien vous n'y êtes sans doute pour rien, mais un instant j'ai eu l'impression oppressante d'être à Lépanges-sur-Vologne.
Un je ne sais quoi, dans la description et dans l'ambiance de ce village fictif...
2 De Waldo7624 -
L'histoire est touchante ! Ça donne envie de faire ce métier.
3 De Waldo7624 -
En plus, j'adore les happy end ! (pardon pour cet exceptionnel recours à une langue étrangère).
4 De Tournesol -
J’aime beaucoup l’engin et la vêture de ce fringant reporter.
5 De Tournesol -
Signe des temps,il n’y a plus de curé pour bénir la scène…
6 De Sax/Cat -
@T : Il a comme une allure de lepreschaum en avance (ou en retard) pour la St Patrick.
@T : Déjà qu'il n'y a plus pour bénir la Cène
7 De Jeannot lou Paysan -
@ Sax/Cat: Attendez-vous à ce que demain il y ait plus d'un cureton pas loin de la Seine. À l'occasion, ils pourront toujours la bénir.
8 De Sax/Cat -
@JLP : Tant qu'ils ne viennent pas bénir la Hure, il font ce qu'ils veulent.
9 De Zorba Ligraik -
Grégoire grégaire?
10 De Jeannot lou Paysan -
Un grand reporter à moto aurait servi de modèle à Hergé pour créer Tintin. Il s'agissait de Robert Sexé, qui se distingua notamment en effectuant des raids au long cours sur des motos Belges, comme lui. Il était également connu pour ne pas être précisément de gauche.
Il devait être moins rigolo que ce Jobard de Grégoire, dont la moto est quand même un summum de loufoquerie.
11 De Jeannot lou Paysan -
Pris d'un doute, je consulte mon encyclopédie La Bécane, où je m'aperçois que Sexé était Français. Mes confuses, chers camarades.