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La vie de Jean-Jean

Jean-Jean est nonagénaire. Fils d'immigrés italiens, il a vécu à Nogent-sur-Marne où il a connu François Cavanna. Ils furent amis, ils connurent les mêmes rues, les mêmes quartiers, les mêmes histoires. Un jour, Jean-Jean achète un magnétophone et il entreprend de raconter ses souvenirs, sa vie, ses amours, ses drames. A l'origine de tous ces récits de vie, il y a sa femme malade dont il doit s'occuper. Il ne peut plus trop sortir de chez lui et voilà, il a l'idée d'enregistrer ses souvenirs. C'est arrivé aux oreilles de Denis Robert qui décide d'en faire un podcast pour Blast. Les épisodes vont être diffusés sur la durée de l'été et je vous encourage à découvrir cela. C'est émouvant, drôle, poignant, triste, vrai. C'est la vie d'un homme qui glisse vers la fin et qui ne veut pas partir sans laisser un témoignage. C'est beau.


lien du podcast : https://www.blast-info.fr/podcasts/la-vie-de-jean-jean-9uFSogFMT4OsC32JZw-LwQ

J'arrête définitivement le dessin pour me consacrer à l'étude de la génération spontanée de cailloux dans les lentilles vertes du Puy (et à d'autres sujet de moindre importance)

C'est un grand soulagement pour les membres éminents des Amis du Bon Goût et pour l'Amicale Mondiale des Esthètes. Aujourd'hui, je suis enfin en mesure d'annoncer au monde entier et aux générations futures que j'en ai terminé avec le dessin. Sourd depuis trop longtemps aux incessantes demandes et supplications, je me range enfin aux arguments avancés et cesse toute activité picturale. Je me dois de reconnaître avoir fait fausse route durant de trop nombreuses années, d'avoir gâché trop d'encre et de papier et, surtout, de n'avoir jamais réussi à produire quoi que ce soit s'approchant un tant soit peu des sans aucun doute trop prétentieux et ambitieux buts que j'avais pu me fixer en me lançant dans cette quête du bon dessin d'humour. Je n'ai ni le talent ni l'esprit suffisants pour pratiquer cet art de belle façon, il faut en convenir.

Le négatif de l'auto


C'est une vieille photographie. Le négatif est en piteux état et au format 6x9. Si je ne me trompe pas, il pourrait s'agir d'une Citroën C4 coupé-cabriolet et elle pourrait avoir été produite quelque part entre la toute fin des années 20 et le début des années 30.

Le problème, avec la majorité des automobiles de ces années là, c'est qu'elles ont un peu tendance à toutes se ressembler. S'il s'agit bien d'une Citroën, ce ne peut pas être une B14 qui a encore le radiateur à deux pans mais ça ne peut pas non plus être la Rosalie présentée en 1932. Il ne reste pas grand choix. Ou c'est une C4 ou c'est une C6. Je ne pense pas que ce soit une C6 alors j'avance que ça peut être une C4.
Ces automobiles, pour celles qui ont réchappé de la guerre, on été utilisées jusque dans les années 50, principalement dans les campagnes, parfois transformées en utilitaires. Comment dater la photographie elle-même ? On ne peut pas compter sur les arbres qui ne vont pas vraiment nous renseigner. Si encore nous connaissions le lieu de la prise de vue, on pourrait imaginer aller voir comment sont les arbres et en déduire un âge approximatif. Non, ce n'est pas une méthode envisageable.
On peut imaginer que la photographie a été faite alors que cette automobile n'était pas encore devenue un banal outil du quotidien. Alors, peut-être était-ce quelques jours après son achat. On a voulu la mettre en valeur dans un environnement que l'on devait trouver charmant et bucolique. A côté, il y avait un bois, on l'a prise en photo là. Le ou la photographe était sans doute seul·e. Personne pour poser à ses côtés. Il devait faire beau, nous étions peut-être en été.
S'il s'agit bien d'une C4, nous sommes entre 1928 et 1932. On acceptera l'idée que le négatif a 90 ans. L'appareil utilisé ne devait pas être d'une grande qualité. L'image n'est nette en aucun point. Le cliché a été mal exposé et les champignons, aidés par l'humidité, ont bouffé une partie de l'émulsion. Pour autant, il reste quelque chose, un témoignage. Il est très probable que l'automobile et le photographe aient cessé d'exister.

Les lois fondamentales de la stupidité humaine

C'est un petit livre de 72 pages de Carlo Maria Cipolla, historien de l'économie de nationalité italienne qu'il convient de lire avant de mourir. Sous les aspects d'une analyse scientifique des plus sérieuses, l'auteur nous explique bien des choses et, graphiques à l'appui, nous démontre le caractère nocif de la stupidité dans nos sociétés. Ce petit livre est édité aux PUF (où l'on peut se procurer l'ouvrage), maison d'édition des plus sérieuses puisque l'on pourra constater que je n'y suis pas publié.

L'Humanité, selon Carlo M. Cipolla, se divise en quatre parties plus ou moins égales. Il y aurait, si l'on divisait une feuille de format carré en quatre parties et que l'on traçait à l'horizontale et à la verticale deux lignes qui se croiseraient au centre de la feuille de papier, il y aurait, donc, disais-je, les crétins qui occuperaient la partie supérieure gauche. Sous eux, en partie basse à gauche, on placerait les stupides. Juste à côté, à droite en bas, on pourrait placer les bandits. Enfin, pour compléter notre graphique, nous placerions les intelligents en haut et à droite. Ceci ne serait en rien dû aux caprices du hasard. Il est bien entendu et compris de tous que les personnes les plus intelligentes se situent toujours en haut (de la société) et à droite (sur l'échiquier politique).


A droite, nous avons donc les deux représentations de la population la moins touchée par la bêtise et, à l'opposé, à gauche donc, les moins bien lotis en terme d'intelligence. L'auteur précise que l'on peut (et doit) tracer deux nouvelles lignes (dans une couleur autre bien sûr) mais dans les diagonales cette fois pour avoir une vision plus claire de la question. Nous pouvons dès à présent considérer que certains stupides sont enclins à se laisser attirer par les côtés soit crétins soit (mais c'est plus rare) intelligents. De la même manière, un bandits peut avoir une certaine tendance pour l'intelligence ou la crétinerie ou, encore un autre exemple, un intelligent pourrait (parfois) se révéler stupide ou bandit.
On peut d'ores et déjà faire le constat que celles et ceux qui restent le plus proche des diagonales sont des personnes très équilibrées dans leur spécificité. Plus on s'approche des coins de la feuille, plus on est extrême dans l'un des quatre aspects de l'étude. A contrario, plus on est proche du centre et moins on est défini. Un peu comme si l'on choisissait, excusez le terme, d'être le cul entre deux chaises.

L'intelligent est celui qui œuvre à accroître son intérêt tout en améliorant le bien général. Le crétin, lui, aura des actions qui lui nuiront mais qui ne feront de mal à personne d'autre. Le bandit est celui pour qui l'action profite au détriment de la communauté. Le stupide s'ingénie à se nuire à tout le monde, lui y compris bien entendu.
Sans entrer dans les détails, on voit que le groupe le plus nocif reste celui des stupides. L'auteur décrit tout cela et tire les conclusions qui s'imposent dans un langage clair empreint d'un humour de bon aloi qui ne gâche rien. Il vous invite à vous plier à l'exercice et à placer les personnes que vous pouvez côtoyer dans les sphères intimes, privées ou professionnelles dans les zones du graphique. Il me semble cependant délicat de se placer soi-même dans l'une ou l'autre des catégories.

Je me dis, après avoir lu ce petit livre, qu'il serait amusant de proposer un jeu lors de réunions entre amis. On distribuerait des petits graphiques vierge et chacun marquerait le prénom des autres dans les secteurs disponibles. Après, chacun devrait expliquer les raisons de ses choix. Ça mettrait sans doute une bonne ambiance pour terminer une soirée qui s'étire un peu trop en longueur.
Je dois vous avouer que depuis la lecture de ce livre, je m'amuse à jouer dans ma tête avec les personnes que je croise ou avec celles que j'ai en mémoire. Je tiens des comptes et je suis étonné par le nombre de ces personnes à se situer dans les parties gauche du graphique. En fait, la zone qui se remplit le moins rapidement est celle dévolue aux bandits purs. Je connais quelques bandits mais ils penchent tout de même sérieusement vers la stupidité. Quant aux personnes intelligentes, je reste médusé par le peu de représentants à inscrire.


Les lois fondamentales de la stupidité humaine — Carlo M. Cipolla — PUF — 7€

Les radins ne font pas grand cas de l'inflation

C'est l'un des sujets de l'été. Il y a les fortes chaleurs, il y a le coup de main de Macron à Uber, il y a l'Ukraine et il y a l'inflation. L'inflation, c'est ce qui fait que les prix augmentent. Ce n'est un souci que pour ceux qui ont la sotte idée de consommer, finalement.

Les prix s'envolent (disent les journalistes littéraires férus en métaphore). C'est un fait, tout augmente. Sans parler du prix des carburants, il suffit d'aller faire ses courses pour constater que les pâtes ont pris quelques dizaines de centimes d'euro dans la gueule, que le moindre morceau de bidoche est réservé aux riches, que les fruits et légumes sont devenus des produits de luxe. Du coup, un panier pour lequel on payait une petite quarantaine d'euros il y a quelques mois demande que l'on sorte les plus de cinquante euros de sa bourse. Bon.
Deux attitudes possibles. Soit on se lamente, on rouspète, on blâme ; soit on fait avec en se disant que, finalement, on s'en fout, qu'il faut bien bouffer et qu'il suffit de revoir ses ambitions à la baisse. Il suffit de bien regarder les étiquettes et de choisir le moins cher. De toutes façons, vous n'étiez déjà certainement pas en position de choisir le meilleur et le plus cher. Descendre un peu plus en gamme ne va pas vous tuer. Et puis, si jamais, par malheur, ça vous tuait effectivement, dîtes-vous que c'était écrit, qu'il fallait bien que ça finisse par arriver un jour. Je ne vais pas dire qu'il n'y a pas mort d'homme puisque ce serait contradictoire mais admettons que notre mort ne soulèvera probablement pas de torrents de larmes trop conséquents. Peut-être que cela occasionnera un léger émoi dans notre entourage proche mais on nous oubliera vite fait bien fait, soyons en certain.
Autrefois, il était de bon ton de pester contre la société de consommation. Je m'en souviens bien. Je ne suis pas un perdreau de l'année. On disait que la publicité nous rendait con, on disait qu'il ne fallait pas prêter l'oreille au chant des sirènes du consumérisme. Et puis, on acceptait sa condition. Si l'on était dans la catégorie dite modeste, on consommait en conséquence. On buvait du Kiravi, on avait du cassoulet en boîte et des pâtes qui ne se montait pas le col. C'était un autre temps, on avait ses petits bonheurs sinon ses petits dérivatifs.
Dans cet autrefois qui n'était pas toujours rose, on avait encore le goût de l'époque de Zola dans le gosier. On allait au bistro pour se payer un petit plaisir liquide ou deux. On ne rêvait pas de grands crus ou de bières IPA, on se contentait de ce que son porte-monnaie permettait (ou l'ardoise). Une Kronenbourg ou un petit ballon servi au comptoir, c'était le top. Si on avait conscience d'être limite pauvre, on savait que l'on était pas le seul dans cette situation. On faisait avec et on se retrouvait entre presque pauvres dans le quartier ou le village où l'on résidait. Les commerces s'adaptaient à la population et on n'y proposait rien de trop luxueux. Si l'on n'avait qu'une bicyclette ou un cyclomoteur on se disait que c'était déjà mieux que d'aller à pieds. Et si l'on avait une 2cv d'occasion, on se disait que c'était une chance. Par contre, bien sûr, à cette époque on ne flashait ni sur le dernier smartphone ni sur la paire de chaussures de sport à la mode.
Moi, vu que je suis contre le passéisme et que je vis dans mon époque, je ne regrette ni le café "au Vouvray" que je n'ai d'ailleurs jamais connu ni le poste de TSF qui grésillait. Par contre, tout de même, je constate le mal que fait la publicité et les influenceurs. En quelques dizaines d'années, on nous a mis dans la tête qu'il faut consommer du beau et du bon, du riche et du cher. Ça crée un malaise, du malheur, du ressentiment. C'est que l'on nous demande de ne plus accepter notre sort. On nous met dans la tête des idées de consommation hors de notre portée. On passe pour un plouc de la pire espèce si l'on n'a pas la présence d'esprit de consommer un peu à la manière des riches. On n'a même pas conscience de ce que c'est que d'être riche. On n'a pas fait "math sup math spé" et on ne se rend pas compte de ce que c'est qu'un milliard d'euro. Pour autant, on veut vivre dans l'illusion que l'on peut s'approcher de la vie des aisés en faisant ses courses à l'Intermarché (ou au Leclerc, chez Auchan…) du coin. On a lu, vu, entendu que tel ou tel produit était épatant, que le goût ou l'odeur ou la forme de tel ou tel produit était ce qui se fait de mieux et on en veut. On consomme ce qui fait "marqueur social" sans se rendre compte que nous sommes et restons des peigne-culs de première, des loquedus bas de gamme, de l'humain bas-de-gamme, du méprisable surchoix. On veut paraître et on ne fait pas illusion.

Finalement, tout ça c'est de la faute à la gauche. Depuis Mitterrand, les bobos n'ont eu de cesse de monter en puissance. J'en connais des tonnes des crétins qui croient que leur bonheur réside dans les achats qu'ils peuvent faire. J'en connais même, et je les plains, qui croient que l'achat de produits contrefaits trouvés sur Internet ou dans des magasins faits exprès pour eux peuvent faire illusion. Des gens qui pensent indispensable la machine à faire des cafés espresso mais qui considèrent que les capsules avec du bon café dedans, ben, c'est trop cher. Alors, ils achètent du café de merde et ils vous font tout un cirque avec leurs petites tasses "de luxe" et leur infâme lavasse puante.
J'en ai rencontré des gens qui vous offrent un whisky d'exception accompagné de pistaches iraniennes et qui vous servent du bœuf de Kobé avec sa petite purée de rattes "à la Robuchon" et son Bourgogne excellentissime (et biodynamique). Moi, je ne suis pas bégueule, je profite, j'avale. Je vais même me fendre de compliments dans l'espoir d'avoir du rab. Je sais qu'un ragoût quelconque peut être aussi bon et qu'un Bergerac suffit bien à mon plaisir. Faut pas chercher à péter plus haut que son cul mais c'est vrai que l'on peut s'amuser à jouer à se croire un instant appartenir au beau monde. On peut être snob, j'aime bien. Pour moi, il y a une critique de notre société dans le snobisme. C'est presque de l'agit-prop.
Posséder et consommer, ce n'est rien de plus que ce que ça dit. Ce n'est pas avoir le pouvoir, c'est répondre aux injonctions de la publicité et des riches. Je suis mal placé pour critiquer la possession et la consommation. Je suis envahi par les objets de consommation. Je ne compte pas les ordinateurs, les appareils photos, les bouquins, les appareils divers, les véhicules. Je me suis laissé submerger. Je n'ai pas fait gaffe, je me suis laissé aller. Si j'avais le courage de faire un vrai tri, de me séparer de tout ce qui ne sert pas ou plus, ça ferait du vide. Je me suis laissé prendre au piège de la consommation. Combien de bouquins que je ne relirai jamais ? Combien d'engins que je n'utiliserai probablement jamais plus ? J'en ai acheté des saloperies sur des coups de tête ! Je n'en suis pas fier. J'ai faits des achats en me persuadant que je faisais une bonne affaire sans voir que je faisais juste marcher la machine capitaliste et libérale. On m'a dit que tout serait mieux après l'acquisition de cet objet. J'y ai cru, j'ai payé. Parce que je ne voulais pas me rendre à l'évidence, je me suis persuadé que j'avais fait le bon choix. Quel con je suis. Ce qui me rassure, c'est qu'il y a bien plus con que moi.
L'inflation, ça gêne ceux qui pensent que la consommation est le but ultime de la vie. Il faut bien consommer pour survivre mais rien ne dit qu'il faille consommer cher et rien ne dit non plus qu'il faille survivre longtemps. Surtout, rien ne dit que consommer vous fera vivre plus vieux et plus heureux.


La photo utilisée pour ce billet a été volée sur un site découvert récemment et qui est une mine de documents iconographiques en lien avec Paris. Photographies de la Commission du Vieux Paris

Les casse-couilles

casse-couilles \kas.kuj\ ou \ka.sə.kuj\ masculin et féminin identiques (orthographe traditionnelle) (Vulgaire) (Injurieux) Individu qui a le don d’énerver. Tiens, rien qu'hier… Je reçois un email d'un type. Il me raconte qu'il essaie de m'appeler mais qu'il ne doit pas avoir le bon numéro de téléphone (numéro que l'on trouve aisément, par exemple en allant sur mon site. Il me demande de lui redonner mon numéro de téléphone, je lui communique deux numéros, celui du portable et celui de la ligne fixe. Normalement, il avait toutes les cartes en main pour m'appeler.

C'est pour le boulot. Ça commence à faire quelque temps que ça dure. C'est un "client" qui a des demandes très spéciales, très précises, qui pinaille souvent sur tel ou tel point de détail à mon avis sans importance. C'est pour un site internet.
Cela fait des semaines que je lui demande ce qu'il m'a assuré pouvoir me fournir sans problème et rapidement. Des textes, des noms, des images, des photos, un logo. Pour l'instant, j'ai le logo (mais ce n'est pas le bon, le nouveau va arriver incessamment sous peu). J'essaie de lui expliquer que sur certains points, je ne peux pas avancer sans ces données. Je peux bien mettre du "lorem ipsum" un peu partout, des images d'exemple, un mauvais logo, mais je ne peux pas deviner ni le nom des rubriques ni les données techniques. Sans ces dernières, je ne peux pas travailler sur les pages et leur mise en page autrement qu'en restant sur du très basique. C'est aussi que je n'ai pas l'envie de travailler en pure perte, pour rien, juste pour le plaisir de tout refaire.
Je lui envoie des emails, je réclame les données et je n'ai pas de réponse. Hier, il m'apprend qu'il cherche à m'appeler. Je doute qu'il puisse me donner les fichiers par voie téléphonique mais bon… J'ai attendu toute la journée son appel. J'ai même tenté de l'appeler. A la fin, je me suis fait à manger et je suis allé bouquiner.

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