Lecture

La serpe rouge

Bien entendu, on n'apprend rien de nouveau en refermant ce livre. Le mystère reste entier, le coupable n'est pas démasqué. En fait, je ne suis pas étonné de n'avoir pas la vérité sur cette affaire. Il est à peu près certain qu'elle ne sera jamais connue.

J'ai lu « La serpe rouge » de Nan Aurousseau et Jean-François Miniac paru en 2021 chez Moissons Noires, La Geste. Ce livre-enquête traite du triple meurtre d'Escoire et de Henri Girard alias Georges Arnaud connu en particulier pour son roman « Le salaire de la peur » et l'adaptation cinématographique qui en a été faite. Les auteurs reviennent sur les faits, proposent des éclaircissements, bombardent le lecteur de questions restées en suspens.

Nan Aurousseau et Jean-François Miniac
J'ai lu ce livre et je dois avouer que j'ai quelques problèmes avec lui. Le premier, c'est que, bien avant, j'ai lu celui de Philippe Jaenada que je tiens pour un très bon écrivain qui parvient à me faire rire et à me faire sentir bien. J'ai parlé de ce livre, « La serpe », sur l'ancien blog. Il est tout à fait possible que je ne sois pas tout à fait objectif et que j'en sois amené à préférer « La serpe » à « La serpe rouge » juste parce que je l'ai lu en premier. Néanmoins, tout de même, je suis plus réceptif à l'écriture de Jaenada qu'à celle des deux auteurs dont c'est le sujet aujourd'hui.
L'autre problème, c'est que si Jaenada n'apporte lui non plus aucune certitude dans son livre, Aurousseau et Miniac, eux, avancent des hypothèses qui ne me plaisent pas et, notamment, celles qui font appel à la psychanalyse et qui leur permettent d'expliquer le triple meurtre par une haine supposée de Henri Girard envers sa famille qui n'a pas sauvé sa mère lorsqu'il était enfant. La mort de cette mère et cette haine seraient à l'origine des crimes perpétrés par Henri Girard. Bon. Admettons. Pourquoi pas ? Enfin, disons que ça n'explique en aucun cas pourquoi il aurait attendu que soient réunis son père et sa tante à Escoire et pourquoi il a tué la cuisinière. Enfin si, je mens, une explication est proposée. Henri Girard aurait commis ces meurtres en état de somnambulisme.
Reprenons. Henri Girard en veut après sa famille. Il propose à son père et à sa tante de se retrouver à Escoire. La nuit des crimes, il fait une crise de somnambulisme, il coupe l'électricité, il descend dans l'aile du château où se trouve ses futures victimes, se saisit de la serpe qu'il avait prémédité d'utiliser pour son forfait, tue tout le monde, déplace les corps, les mets en scène, file se laver dans un ruisseau ou une rivière souterraine des environs afin d'effacer le sang qu'il a partout, cache ses vêtements souillés, retourne se coucher et s'endort.
Je n'y connais rien en somnambulisme mais il me semble que l'on ne peut ni prévoir ni provoquer une crise. Ainsi, puisqu'il est admis dans la thèse avancée que Henri Girard aurait prémédité les crimes, la serpe aurait été placée en un endroit où le meurtrier savait la trouver à coup sûr. De même, il avait planifié l'heure à laquelle la crise allait survenir, ni trop tôt, ni trop tard. D'accord. Il est écrit que cela explique que Henri ne se souvienne de rien lors de la découverte des corps. Tout cela suscite des questions qui s'ajoutent aux questions déjà présentes.

Par exemple. Imaginons. Je m'endors et, dans la nuit, je me découvre un talent de somnambule. Puisque je vis seul, je ne trouve personne à tuer mais je fais quelque chose qui implique que j'aie un besoin urgent de me laver, de faire disparaître mes vêtements (tiens, oui au fait ? Je dors habillé, moi ?), et de disperser alentours des objets que j'ai pris la peine d'amener avec moi. Satisfait, je rentre, me couche et m'endors.
Au matin, ne suis-je pas étonné de ne pas retrouver ces vêtements ? Je ne me souviens de rien, soit, mais ça n'empêche pas l'étonnement. Alors, rien ne dit que Henri apparaît au matin de la découverte des crimes dans le même accoutrement que celui de la veille au soir. Toutefois, il est bien dit que Henri n'a qu'un maigre bagage et peu de vêtements de rechange. Et puis moi, ça me tracasse cette histoire de somnambulisme. Attention ! Je ne dis pas que ça ne peut pas arriver (quoique…). Je dis juste que ça ne fait qu'ajouter des hypothèses tirées par les cheveux à du mystère déjà bien assez mystérieux.
Sinon, on peut aussi dire que tout est bien organisé dans la tête de Henri. Il a décidé de tuer père et tante, il a son plan, la serpe, les vêtements de rechange, tout. Et surtout, je ne cherche pas à me faire un alibi en béton. Je préfère et de loin connaître le frisson du risque de me confronter au couperet qui tombe sur ma nuque. Je suis joueur. Sinon, on peut tout aussi avancer l'idée que Henri est innocent. Après tout, il n'a rien contre la cuisinière, il aurait pu tuer autrement. Une omelette aux champignons, en octobre, ça peut encore être possible.

Dans leur livre, les auteurs écrivent que ça ne peut pas être une personne étrangère aux lieux parce que pour assassiner ainsi avec une serpe, il fallait savoir que serpe il y avait. Ce n'est pas faux sauf que rien ne dit d'abord que ce serait là l'acte d'une seule personne ou que les meurtres ont été commis avec la serpe comme seule arme. Parce que moi aussi je peux faire des hypothèses. Des personnes sont en mission pour tuer Georges Girard, le père de Henri. Pour travailler sans réveiller le village, ils ont amené des haches. Ça doit faire à peu de choses près le même travail. En arrivant, il découvre cette serpe près de la porte de la cuisine. Ils en profitent pour la laisser sur les lieux pour brouiller les pistes. Même, peut-être ne savent-ils pas que Henri est à l'étage à l'autre extrémité du château et veulent-ils faire accroire à l'œuvre de cambrioleurs ?
Sauf que là, c'est vrai qu'il y a la question des huit-mille francs laissés sur la cheminée. C'est troublant mais si ça ne l'était pas, ce serait clair comme de l'eau de roche. Et d'ailleurs, en parlant d'argent. Il est avancé que l'une des motivations de Henri serait l'argent dont il n'est pas économe. Il a de gros besoins financiers pour mener une vie de patachon et payer à boire à tout le monde. Il aime faire la fête, Henri. Eh oui ! Même si c'est la guerre (ou plutôt l'occupation), on est jeune et on veut s'amuser.
Après son acquittement, Henri vendra toutes les propriétés dont il héritera et dilapidera une très grosse somme d'argent en un temps record avant de partir pour l'Amérique latine. Les auteurs avancent que cela s'explique par le désir plus ou moins conscient d'en finir avec toute trace de sa famille paternelle. C'est une explication intéressante. Du passé faisons table rase. Elle ne me satisfait pas totalement parce que, selon moi, elle ne colle pas tout à fait avec le fait que Henri était réputé demander de l'argent à ses parents d'une manière constante. Les auteurs reviennent très souvent sur des explications d'ordre psychanalytique. J'émets des doutes mais j'en sais sans aucun doute bien moins sur le sujet qu'eux.

Il n'en reste pas moins un point qui est relaté par Philippe Jaenada et qui est tu ici, le viol de la tante. Jaenada part sur cela pour avancer une accusation à peine voilée du fils des gardiens de la propriété. Aurousseau et Miniac n'en parlent pas. Autre point concernant le travail d'enquête. Elle me semble bien plus poussée chez Jaenada qui a hanté les archives départementales durant assez longtemps pour éplucher tout de dossier. Au bénéfice de Aurousseau et Miniac, je note la partie traitant de l'acquittement et du marché de dupes passé entre Me Garçon, avocat de Henri, et le juge Hurleaux président de la cour d'assises.
Quoi qu'il en soit, voilà un livre de plus sur ce triple assassinat qui ne révèle rien de fondamental (pas plus que les autres sur le sujet). La lecture est plutôt agréable. On ne saura probablement jamais le fin mot de l'histoire et la question principale qui reste est celle concernant Henri Girard. Coupable ou innocent ?

Je n'y suis pour rien

ChatGPT Titre : “Sombres Échos”

L’inspecteur Adrian Laroche traînait sa silhouette sombre à travers les couloirs grisonnants du commissariat, ses épaules voûtées par le poids des mystères non résolus. Sa réputation de brillant enquêteur avait depuis longtemps cédé la place à une aura de mélancolie persistante.

Un matin pluvieux, le téléphone sonna, brisant le silence morose de son bureau. Un crime brutal venait d’être commis dans le quartier jadis paisible de Sainte-Claire. Un cadavre sans vie gisait dans une ruelle sombre, et un message énigmatique était laissé à côté du corps.

Laroche se leva, traînant ses pieds fatigués vers la scène du crime. Ses yeux ternes scrutaient les moindres détails, cherchant des réponses dans les coins les plus sombres de la scène. Les indices le menèrent sur la piste d’un tueur en série qui semblait se délecter du jeu macabre qu’il avait entamé.

Au fur et à mesure que l’enquête progressait, Laroche plongeait plus profondément dans les ténèbres de l’âme humaine. Les sombres échos du passé surgissaient, révélant des secrets enterrés et des liens inattendus entre les victimes. Chaque révélation creusait un peu plus le fossé de la dépression de Laroche, le rapprochant dangereusement du précipice de la folie.

Entre les flashbacks déchirants de ses propres démons intérieurs et les messages cryptiques laissés par le tueur, Laroche lutte contre le désespoir qui menace de l’engloutir. Alors que le compte à rebours s’accélère et que le tueur resserre son emprise, l’inspecteur dépressif doit trouver la force de dévoiler la vérité avant que l’obscurité ne le consume entièrement.

“Sombres Échos” est un thriller policier captivant qui explore les recoins les plus sombres de l’âme humaine, tout en mettant en lumière la fragilité d’un homme confronté à la cruauté du monde qui l’entoure.

Périgueux et ses lieux de perdition

Michel Labussière a été journaliste à la Dordogne Libre et correspondant du journal Le Monde. Membre de la Société Historique et Archéologique du Périgord. Au fil de ses reportages, il a vu disparaître, tenir ou changer ces lieux de vie incontournables que sont les cafés de la ville, comme un thermomètre du changement du quotidien des Périgourdins.
Il vient de sortir un nouvel ouvrage, une somme, traitant de l'histoire de Périgueux à travers ses cafés, bars, buvettes et autres troquets. Les ligues antialcooliques ne lui disent pas merci.

Que buvaient les Pétrocores ? De quel illustre philosophe et économiste l'arrière-arrière-petite-fille a-t-elle tenu un bar de nuit à Périgueux ? Qu'est-ce qui fit voler en éclats les vitrines du Café de la Comédie en 1905 ? Évoquer les mille et une adresses qui ont abrité un débit de boisson à Périgueux, c'est parcourir toute la ville, sa bruissante histoire et quelques folles aventures. Analyse thématique de ce que furent et demeurent les bistrots périgourdins doublée d'un guide de balade instructif dans Périgueux, cet ouvrage est une véritable encyclopédie sous forme de tournée des grands ducs d'hier et d'aujourd'hui avec à chaque halte l'évocation des origines, des grandes heures de certains patrons et piliers de comptoir, truffée de témoignages et d'anecdotes.

Est-ce que la promesse d'un guide des mille et un bistrots d'hier et d'aujourd'hui de Périgueux est tenue ? Je ne le sais pas. Pour dire ce qu'il en est tel qu'il est, ce nouveau livre de Michel Labussière, je ne l'ai pas lu (pas encore). Je ne suis ni assez vieux ni assez périgourdin pour en avoir beaucoup connu sur ces mille et un annoncés mais j'en ai tout de même connu quelques uns qui n'existent plus aujourd'hui et certains qu'il fallait connaître pour s'y retrouver un jour à boire une bière en compagnie des habitués et les écouter raconter les histoires du quartier.
Les bistrots, ce n'est plus ce que c'était, je le regrette un peu. J'ai aimé ces moments passés dans ces endroits populaires ou snobs ou "select". Du petit bistrot de village au bar intimidants (et aux tarifs qui éloignaient le trop populo), il y en avait un peu pour tous les goûts. On choisissait son comptoir par affinités diverses, parce que l'on s'y sentait bien, que l'on y retrouvait ses semblables, parce que, aussi, on pouvait y écouter de la bonne musique ou entendre des discussions animées sur la politique ou tout autre sujet.
J'aimais les bistrots où il n'y avait pas d'écrans, où il y avait un flipper, où on pouvait fumer, où on pouvait squatter une chaise plusieurs heures sans ça chagrine trop le patron. J'aimais les bistrots où l'on parvenait à faire partie du décor, qu'on avait acquis le statut d'habitué et que l'on pouvait espérer profiter de la tournée du patron.
Bien sûr, les bistrots entretenaient l'alcoolisme et l'alcoolisme c'est mal. L'alcool, c'est mauvais pour sa santé et pour la santé des autres aussi. Ce n'est pas bien. Il n'empêche que les bistrots étaient des endroits où se retrouvaient les micro-sociétés, où l'on discutait, prenait des nouvelles des uns et des autres.

Périgueux, que sont nos bistrots devenus ? Le journaliste retraité périgourdin Michel Labussière répond à cette question dans un livre qui vient de sortir des presses de la Nouvelle Imprimerie Moderne. À l’issue d’un exhaustif travail d’archives et de fourmi, il a relevé l’histoire, la succession des gérants et des anecdotes sur la bagatelle de quelque... mille adresses qui ont abrité à un moment ou un autre un bar, un comptoir, une buvette. Il a aussi en arpentant les rues de la capitale du Périgord, dont il propose aussi un circuit, traqué sur le terrain les traces de ceux qui avaient disparu, et interviewé quelques mémoires. De nombreuses photos dont certaines piochées dans les albums de famille illustrent cet ouvrage. Au fil de ce relevé classé par quartiers et par rues, il a aussi dégagé des grandes lignes et thèmes qui font de cet ouvrage une véritable histoire des bistrots, et de Périgueux à travers ses bistrots, de l’époque gallo-romaine à nos jours. Les guerres, les migrations, la place des femmes, les faits divers, les changements de mode de vie qui ont fait disparaitre beaucoup d’établissements mais donnent une nouvelle vie à la centaine qui existe toujours, les crimes, la prostitution, comme le lien entre les bistrots dans le sport, la politique, le patrimoine. Le livre comporte également un index alphabétiques complet de toutes les adresses par rues, gérants et personnes citées.

Une histoire de Périgueux à travers ses bars (suivie d’un guide histoire par quartiers des mille et un bistrots d’hier et d’aujourd’hui)

Editions du Perce Oreille. 500 pages, 249 photos, 29 euros.

Commandes : Michel Labussière, Tel 06 49 39 55 22 . courriel: <mlabussiere@wanadoo.fr>


Je tiens à ajouter et alors que l'on ne m'y a nullement contraint sous la menace que, je cite : « T'as juste oublié de mentionner que la maison d'édition était remarquable et gérée à la perfection par une éditrice extraordinaire. »

Le serpent majuscule

C'est au sujet d'un roman de Pierre Lemaitre. Pierre Lemaitre, je l'ai découvert avec Au revoir là-haut, roman paru en 2013 et récompensé de plusieurs prix littéraires. La lecture avait été jubilatoire et j'avais dévoré le reste de l'œuvre de l'auteur.
L'autre jour, une copine me demande s'il me plairait de lire un bouquin de Pierre Lemaitre. C'est celui dont j'ai envie de vous parler aujourd'hui, il a pour titre Le serpent majuscule et c'est tout à la fois le premier et le dernier roman noir de cet auteur.

Je ne sais pas si l'on peut faire confiance aux romanciers pour dire la vérité. Il nous est dit que ce roman, Le serpent majuscule aurait été écrit en 1985. Jamais publié, il se trouve que Pierre Lemaitre remet la main dessus et, en le redécouvrant, il se dit qu'il n'est pas si mal que ça et qu'avec juste une petite relecture attentive, quelques menues corrections, il pourrait tout à fait trouver sa place dans les librairies. L'histoire est presque trop belle et on ne demande qu'à la croire tant la lecture du bouquin est un délice.
Il y a pas à tortiller, un bon livre, ce n'est pas difficile à reconnaître. Si vous ne parvenez pas à le lâcher, si vous le dévorez trop vite à votre goût tant vous aimeriez que l'histoire dure encore et encore, c'est que c'est un bon livre. Et voilà que ce livre là, c'est un sacré bon livre. D'abord, je ne vois même pas pourquoi je vous en parlerais si ce n'était pas le cas. Pour me moquer, pour vous avertir, vous prévenir ? Oui, je pourrais faire ça le cas échéant et d'ailleurs, je me demande si je ne l'ai pas déjà fait. Me souviens plus très bien. Celui-ci, pas d'erreur, il faut le lire. Surtout si on aime le roman noir, surtout si on aime la belle écriture.

Il y a plusieurs personnages. Des femmes, des hommes, des chiens, des policiers et même des morts. Au début, les morts ne le sont pas encore et à la fin, les vivants ne le sont plus tous. Le personnage principal, c'est Mathilde, une petite et grosse femme d'une soixantaine d'années qui vit seule (parce que veuve) du côté de Melun, en Seine-et-Marne. Ah si, tout de même, elle a un chien, un dalmatien qui s'appelle Ludo. Elle a une fille et son époux était médecin. Elle roule en Renault 25 de couleur claire.
Il y a aussi René Vassiliev qui est policier, inspecteur, grand et voûté, mince, un poil dépressif. Il va mener une enquête à propos de l'assassinat en plein Paris d'un industriel. Il a une relation presque filiale avec un vieil homme, préfet retraité qui, l'âge aidant, perd la tête. Heureusement pour lui (pour le préfet), une jeune femme d'origine cambodgienne l'aide dans son quotidien. Le René Vassiliev vient souvent rendre visite à M. de la Houssaye (que l'on appelle Monsieur et qui est le préfet). Et aussi, il est un peu amoureux ou pour le moins attiré par la jeune asiatique, Tevy.
Sinon, nous avons aussi Henri, ancien résistant, ancien compagnon d'arme de Mathilde, elle aussi ancienne résistante et décorée de la médaille de la Résistance. En quelque sorte, Henri a sans doute été amoureux de Mathilde mais la vie a fait que ça ne s'est pas fait. Mathilde a épousé son médecin elle a eu une fille et les années ont passé. Quoi qu'il en soit, Henri et Mathilde sont toujours restés en étroite relation d'un point de vue professionnel.
Qui d'autre ? Il y a le commissaire, un type pas franchement agréable qui se goinfre de graines, de noix de cajou ou de cacahuètes. Un commissaire pas très futé, colérique, prétentieux. Et Lepoitevin, le voisin direct de Mathilde qui n'aime rien tant que jardiner. Mathilde ne l'aime pas du tout, celui-là !

Et donc, il y a tout ce petit monde plus d'autres personnes dont des qui vont mourir bientôt et c'est parti pour un bon roman noir avec des crimes, de l'amoralité en veux-tu en voilà, beaucoup d'humour et un peu de tendresse. On ajoute une dose de problèmes psychiatriques avec le commissaire Occhipinti qui est tout de même un peu con et qui ne pense pas beaucoup sauf à son avancement, avec Mathilde qui, à soixante ans passés commence à s'emmêler les pinceaux dans la tête et avec le préfet, Monsieur, qui fait de la démence sénile.
Au chapitre des véhicules mis en scène dans ce roman de trois cents pages, on notera une Renault 25 de couleur claire, une Citroën AMI 6, un fourgon immatriculé en Belgique et, pour un court passage, un camion dont on ne sait pas grand chose.

En gros, tout est là pour écrire un roman noir épatant (plus personne n'utilise cet adjectif, ça me fait penser aux Pieds Nickelés à chaque fois). Tout est là sauf que moi, ça me fait un peu enrager, justement. Non parce que, soyons honnêtes, même en ayant tout les éléments, jamais je n'aurais pu écrire une telle merveille d'humour noir déjanté. Ah ! C'est qu'écrivain de grand talent, c'est un métier, ce n'est pas donné à tout le monde. Remarquez qu'à la réflexion, c'est pas plus mal que ça ait été écrit par meilleur que moi. Ça m'a donné l'occasion de lire un bon bouquin. Allez, disons-le, sans doute le meilleur de ceux que j'ai pu lire cette année.
Je n'ai même pas envie de vous raconter l'histoire, même pas un début de contexte, un commencement. Je n'ai pas envie de vous dire qui fait quoi et comment et pourquoi. Je peux dire qu'il y a des morts, des assassinés, des gros calibres du genre "Desert Eagle", des balles tirées dans des bas-ventres, des têtes qui explosent. Ça ne rigole pas, ça tue froidement et (presque) proprement (mais salement tout de même). La majorité des crimes sont commis par une même et unique personne qui agit avec un professionnalisme à toute épreuve et un sang-froid qui, peut-être, donne le titre au roman.
Dans l'histoire, il y a des moments où on pense avoir deviné ce qui va se passer la page suivante sauf que Pierre Lemaitre, en génie littéraire qu'il est, parvient à vous surprendre encore et encore. Et cela jusqu'aux toutes dernières pages. Et là, moi je dis chapeau parce que j'en ai soupé des romans cousus de fil blanc ou de ceux qui se sortent d'une intrigue par une pirouette improbable. Non, franchement, il n'y a pas à dire, c'est du bon Pierre Lemaitre.

Le serpent majuscule - Pierre Lemaitre
D'ailleurs, puisque j'en suis à parler de l'auteur, je dois reconnaître que je n'ai pas lu les deux romans qui font suite à Au revoir là-haut. Pourtant, ce roman là, comment je l'ai aimé ! Et même l'adaptation cinématographique coécrite avec Albert Dupontel. Pourtant, je ne sais même plus pourquoi, j'ai eu l'idée, peut-être foireuse à souhait, que la suite n'allait pas être aussi bonne. En fait, si, je pense me souvenir. C'est qu'il y a eu un assez gros battage médiatique à la sortie du deuxième roman de la trilogie Les enfants du désastre, Couleurs de l'incendie et que ça m'a gonflé un peu. A l'époque, en 2018, je me suis dit que j'allais attendre, que j'allais voir si les éloges se faisaient encore entendre après une semaine. Et puis, j'ai eu des échos de personne ayant lu ce deuxième roman et il m'a semblé qu'il n'était pas à la hauteur du premier. Puisque je n'avais pas lu le deuxième, je ne pouvais pas lire le troisième. Il faut un peu de cohérence, dans la vie. Et même si c'est pour avoir l'air encore plus con que d'habitude, nom de dieu !

En cherchant les titres de cette trilogie sur wikipedia, je découvre à l'instant que l'on dit que Pierre Lemaitre habiterait dans l'agglomération de Périgueux. Je savais bien que c'est quelqu'un de bien, cet homme là. Si un jour on se croise, faudra qu'il m'invite à manger histoire qu'on cause littérature.
Bien. Puisque je n'ai aucune envie de vous raconter le livre, que je ne vais pas non plus passer mon temps à vous faire perdre le vôtre à dire tout le bien que je pense de Pierre Lemaitre et de la plupart de ses romans (les autres, je ne les ai pas lus), je ne peux que vous encourager à trouver un exemplaire de ce bouquin qui est sorti au Livre de Poche et qui est vendu la bagatelle de 7,90 euros. Vous verrez, vous ne serez pas déçus.

C'est toujours bon à savoir

Quelle saison mieux que l'été pour réfléchir ? Aujourd'hui, je vous propose de commencer une série[1] de comparaisons intelligentes et subtiles de personnalités de l'Histoire.

Note

[1] qui peut-être s'arrêtera là

Né à Syracuse vers 287 avant notre ère, quelques années seulement après la disparition des dinosaures et bien avant l'érection de la Tour Eiffel, Archimède est un scientifique à qui l'on doit beaucoup. Ne citons que, pour l'exemple, la vis d'Archimède, la spirale d'Archimède et d'autres trucs d'Archimède tout aussi passionnants.
Tout jeune, le petit Archimède aimait à jouer avec toutes sortes de bâtons qu'il aimait appeler du doux nom de "levier". Un jour qu'un bâton, par quelque malice maléfique, vint à se coincer entre deux pierres et qu'il s'y retrouvât coincé, le petit garçon, tout à son souhait de récupérer ledit bâton afin d'en jouir encore un peu exerça une traction de telle manière qu'une des pierres volât et s'en alla casser le vitrage de la maison voisine au grand dam de ses occupants qui prirent peur à l'écoute du grand fracas occasionné conséquemment.
S'il se fit gronder vertement, il fut assez heureux de constater qu'il venait là de trouver un moyen de décupler sa force et se fit la promesse de réfléchir à tout cela dès lors qu'il en trouverait le temps et le loisir. Les assurances payèrent le remboursement du vitrage brisé sans barguigner et l'on peut dès lors dire que, en ces temps là, c'était pas plus mal qu'aujourd'hui.
Plus tard, mais avant 212 avant Jésus Christ notre seigneur[1], Archimède fut célèbre pour courir nu dans les rues de la ville en criant. Cela n'est pas à mettre sur le compte de la folie mais plutôt de la joie. En effet, ce jour là précisément, Archimède venait de découvrir et comprendre le principe de la poussée qu'il nomma dans la foulée de son nom. On dit[2] que le roi lui aurait demandé de réfléchir à une méthode qui lui éviterait de se faire enfler sur une histoire rocambolesque de couronne qui devait être faite d'or. Le monarque suspectait l'artisan en charge de la réalisation de l'ornement de vouloir l'escroquer en remplaçant une partie de l'or par un autre matériaux moins noble et moins cher.
Avec son histoire de poussée à laquelle je ne comprendrai décidément jamais rien, il satisfit le roi. A noter que si vous ne me croyez pas[3], vous avez qu'à réfléchir à ceci :

tout corps plongé dans un fluide au repos, entièrement mouillé par celui-ci ou traversant sa surface libre, subit une force verticale, dirigée de bas en haut et égale (et opposée) au poids du volume de fluide déplacé. Cette force est appelée poussée d'Archimède. Elle s'applique au centre de masse du fluide déplacé, appelé centre de poussée.

Ainsi, après ce présent exposé des plus intéressants, l'heure est venue de tenir ma promesse et de comparer. Quel personnage historique est le mieux placé pour cet exercice que Marat (Jean-Paul) ? Ce Marat là était, lui aussi, un amateur de bains. Cependant et pour ne pas travestir la réalité, s'il prenait tant et tant de bains, ce n'était certainement pas dans l'espoir d'un jour découvrir quoi que ce soit mais bien plus pour des raisons bassement terre-à-terre et, disons-le tout net, parce qu'il souffrait de terribles démangeaisons sur tout le corps. Soi-disant que les bains d'eau soufrée le soulageaient. Allez savoir.
Toujours est-il qu'il se fit assassiner par une dénommée Charlotte Corday qui, ce n'est que justice, fut guillotinée pour cela.

En guise de conclusion, on voit que malgré les nombreuses et troublantes similitudes entre ces deux personnages bien connus du grand public, les bains ne garantissent ni de faire une découverte qui marquera l'Humanité ni d'être assassiné. Je vous laisse en tirer les conclusions qui viennent d'elles-même et vous laisse libre de prendre des bains ou pas. Tout de même, il a été démontré qu'une douche rapide permet de dépenser moins d'eau. Enfin, vous ferez comme vous voudrez et vous débrouillerez avec votre conscience.

Notes

[1] en d'autres termes, avant sa mort

[2] mais rien n'est moins sûr

[3] quand je dis que j'y entrave que pouic

Tirer la couverture

Hier, j'ai eu l'idée d'écrire un livre. À un certain moment, après plusieurs heures à chercher un sujet et une idée, j'ai décidé de commencer par faire la couverture.

Il faut bien commencer par quelque chose. Comme on dit : il y a un début à tout. Je ne sais pas comment font les autres, mais chacun sa méthode de travail. Il paraît que l'on trouve des auteur·e·s qui écrivent d'abord une première phrase ou un premier mot et que le reste suit. C'est une méthode et je ne la critique pas.
Moi, j'ai ma façon de penser. Hier, cette façon, c'était de commencer par la couverture. J'aurais pu choisir de faire un dessin mais ça m'aurait encore pris plusieurs minutes et j'étais assez pressé d'envoyer mon livre à l'imprimeur. Alors, j'ai fait une photo. Tout de suite, la question a été de choisir ce que j'allais photographier. Là, mon regard se porte sur une paire de tenailles. Ça ou autre chose, après tout, hein, vu que je n'avais aucune idée de ce que mon nouveau livre contiendrait, je me dis que ça peut faire l'affaire.
J'ai ma photographie. Je détoure l'objet et je me retrouve un peu Gros-Jean comme devant si vous me permettez l'expression. Ou alors, aussi, on pourrait dire que je suis comme une poule trouvant un couteau. Mais peu importe. Je suis décontenancé. Ne serais-je pas en train de faire fausse route ? Je doute. Peut-être aurais-je mieux été inspiré de photographier un tournevis ou une clé de 13.
Il se fait tard. Je ne vais pas passer la journée à photographier des objets pour la couverture d'un livre qui n'existe même pas encore. Une paire de tenailles, ça ira bien. Juste, il faut que je fasse avec et que je justifie la chose. J'ai assez de mauvaise foi en réserve pour justifier tout et son contraire. Je fais confiance à ma cervelle pour trouver une idée.
Seulement, on ne va pas se mentir, une paire de tenailles, toute seule, ça ne vous fait pas une belle couverture. Sauf s'il s'agit d'un livre sur les tenailles mais là, je manque de matière, je n'y connais rien. Dans la précipitation, parce qu'il ne faut pas lambiner, je me dis que tant pis, je vais me contenter de mettre de la couleur sous les tenailles et que ça fera la blague. J'essaie le rouge, le jaune, le vert, le mauve, et je m'en remets au hasard. L'un dans l'autre, honnêtement, ça aurait pu être pire.
Il est bientôt l'heure de passer à autre chose. Le temps passe à une vitesse, c'est fou. Allez, un titre. Ça me vient à l'esprit tout de suite, comme ça, un éclair de génie. Par contre, je ne peux pas signer de mon nom. Qui je suis, moi, pour écrire un livre sur un sujet que je maîtrise si mal ? Peu importe, je me trouve un pseudonyme crédible. Enfin, pour mettre toutes les chances de mon côté, je choisis le nom d'un éditeur qui fasse sérieux.
Tard. Il est déjà bientôt moins le quart. Il faut accélérer. Ce que je vais faire, c'est d'envoyer la couverture chez l'imprimeur et lui dire que le texte arrivera plus tard, qu'il ne se fasse pas de souci. C'est encore le mieux à faire, il me semble. ça me laisse un peu de temps pour regrouper des informations. Au pire, je peux puiser dans mes souvenirs. Je sais qu'une rage de dent, ça fait mal. C'est un peu mince. Je ne vais pas me torturer l'intérieur de la bouche pour retrouver les sensations, je ne suis pas masochiste à ce point. Il faut se décider. Je vais écrire la première ligne. Je peux commencer par une succession de "Aïe" et de "ouille". En tirant un peu à la ligne, peut-être que je peux faire une première page rien qu'avec ça. Le lecteur sera mis en condition. Allez. Je m'y mets.

En vérité, je vous le dis

Il m'a été communiqué quelques textes écrits en vue de participer à un concours de nouvelles policières. Si l'essentiel est de participer et s'il est entendu que l'on ne s'improvise pas auteur et écrivain, je suis néanmoins étonné par la prétention qu'ont certaines et certains, la confiance absolue dont ils et elles font preuve.

Je suis d'accord sur un fait. On sait bien que tous ne sont pas ou ne seront pas Agatha Christie, Conan Doyle, Georges Simenon, Raymond Chandler, Léo Malet, Jean-Patrick Manchette ou Frédéric Dard. On sait que pour un petit concours organisé localement, on ne peut pas tabler sur la participation des pointures du genre. D'accord. On fait appel à la bonne volonté d'apprentis écrivains qui acceptent de rédiger une courte nouvelle du mieux qu'ils peuvent. D'accord.
Passent encore les fautes de français et d'orthographe. Déjà, j'estime que la langue peut être tordue, malaxée, arrangée, afin de donner un style au récit. On peut inventer des mots, bousculer la syntaxe, et, si c'est bien fait, j'y trouve du plaisir à lire cela. Mais, à mon avis, surtout dans le cadre du polar, il faut un minimum de rigueur. Je ne dis pas qu'il faille que tout soit réaliste. J'accepte que le crime ait été commis par un extra-terrestre descendu sur Terre pour éliminer une personne qui engendrera un enfant qui, lui même, donnera naissance à un autre enfant qui sera le premier à mettre le pied sur une lointaine exoplanète habitée et causera la perte de milliards d'êtres parce qu'il avait avec lui une bactérie ou un virus ou je ne sais pas quoi. Aussi, je veux bien du policier humoristique ou absurde comme chez Douglas Adams.
Mais là, en ce qui concerne les nouvelles que j'ai pu lire, j'ai tout de même l'impression très nette que soit on ne sait simplement pas construire une histoire, soit on se débarrasse de la promesse que l'on a pu faire de participer au concours au plus pressé, dans un état second, peut-être fortement alcoolisé, en s'en foutant comme de sa première trace de morve sur sa grenouillère.
Autrefois, il faut le reconnaître, on pouvait écrire quelque énormité sur un pays ou sur les mœurs en cours dans une région du monde parce qu'il était difficile d'avoir accès à de la documentation. Mais aujourd'hui, avec Internet, ce n'est pas difficile de vérifier et d'éviter les monstruosités. Un minimum de culture générale ne peut pas nuire non plus.

Ce que je dis à propos du genre policier vaut bien sûr pour d'autres exercices littéraires mais il me paraît que pour la littérature de genre (policier, science-fiction…) il existe un corpus de règles généralement admises bien qu'il soit tout à fait acceptable de s'affranchir de certaines d'entre-elles. Il est, me semble-t-il, indispensable qu'il y ait un réel effort de cohérence et qu'un fait reste un fait. C'est à dire que si un crime a été commis, on ne doit pas se rendre compte au bout de quelques pages que l'intrigue porte désormais sur une part de pudding qui aurait disparu du plateau des desserts dans un restaurant de Haute-Savoie tandis que le curé était en pleine partie de belote avec le patron de la pègre de Chicago sur un paquebot voguant vers le Kazakhstan. Le lecteur a besoin d'un minimum de vraisemblance faute de quoi, il y a fort à parier qu'il refermera le bouquin et demandera qu'on le lui rembourse illico presto toute affaire cessante et dans les meilleurs délais.
C'est un fait que le roman policier (ou la nouvelle policière) peut être très décevant au moment où survient la résolution. Ainsi, il y a quelques années, j'avais été très déçu à la fin d'un roman (pourtant écrit par un auteur réputé) qui se permettait, alors que le policier était à deux doigts de se faire assassiner par le meurtrier qu'il pourchassait depuis trois-cents pages, de faire atterrir un hélicoptère chargé de nombreux policiers armés qui allaient le sauver. Déjà, j'aurais été le meurtrier, perdu pour perdu, j'aurais malgré tout tué ce policier qui l'embêtait depuis tant de pages. Rien que pour le plaisir. Mais là, non. Le meurtrier, bien que visiblement psychopathe tueur, décide d'accepter de se rendre aux autorités, la mine déconfite de l'enfant que l'on prend les doigts dans le pot de confiture.
Si l'on me raconte que l'histoire se déroule dans la forêt amazonienne mais que, d'un coup, on me dépeint un paysage désertique fait de dunes de sables sans trace de végétation, ça me dérange. Si l'on me dit que les meurtres ont été commis par un petit homme malingre, hémiplégique, se déplaçant en fauteuil roulant mais qu'à la fin c'est monsieur muscle et que cela explique comment il a pu balancer depuis le clocher de l'église tout un tas de personnes amenées là à la seule force de ses bras et jambes, je renâcle. Faut que ce soit un peu crédible, quoi !

Parmi les nouvelles que l'on m'a donné à lire, une se passe sur le continent antarctique, en terre Adélie, autour de la base Dumont d'Urville. L'auteur signale que ça se passe par un froid hiver de décembre. Aïe. Qui ne sait pas que l'Antarctique est dans l'hémisphère sud ? Qui ne sait pas que les saisons sont inversées par rapport à celles de l'hémisphère nord ? On continue. L'auteur se souvient des photos d'ours polaires et de pingouins dans ses livres d'école. Re-aïe ! Bon point, l'auteur précise qu'il fait froid. Par contre, ils n'auraient été que sept personnes sur toute la base. C'est bien peu. On y aurait dénombré quatre scientifiques (dont la morte), un mécanicien, un conducteur d'engin et un médecin. Si j'en crois le site officiel de cette base, au plus creux, on dénombre entre 25 et 35 personnes. Mais passons.
Une autre nouvelle raconte l'histoire d'un homme qui ne supporte pas un voisinage jugé trop bruyant. Il va user de techniques machiavéliques pour tuer tout le monde. Du genre, par exemple, d'un CD de la Callas qui aurait pour mérite de fondre en dégageant du gaz mortel à l'écoute. Ben voyons ! Autre trouvaille, une galette d'un produit qui, placé dans le réservoir d'une motocyclette entraînerait l'explosion de celui-ci et, par conséquence, la mort du pilote. Pourquoi pas ? Ou encore cette mère de famille qui reçoit par courrier des pilules amaigrissantes, qui acceptent de les avaler et qui s'endort au volant avant de percuter un camion. Mais bien sûr !
Une autre nouvelle encore me laisse perplexe tant je ne comprends rien à l'histoire. Je l'ai pourtant lue trois fois. Là, je ne trouve rien à dire. Il est possible qu'il me manque des références, que je ne comprenne pas ce que l'autrice ou l'auteur a voulu dire. Avantage de cette nouvelle : elle ne fait que deux pages.
La quatrième, elle, est bien écrite. L'intrigue n'a pas grande importance (pour tout dire, on s'en fout). C'est plus un bel exercice d'écriture qu'une nouvelle policière, selon moi.

En conclusion, je dirai que c'est bien et méritoire d'accepter de participer mais qu'il ne faut pas s'y sentir obligé.

Les cons n'existent pas

Mettant à profit le changement d'heure pour me réveiller plus tôt, après avoir bu du café je me décide à résoudre un petit problème informatique, un bug sur un site Internet en construction, un petit problème tout ce qu'il y a de bénin, je vous rassure, n'allez pas vous inquiéter plus que de raison.
Pour accompagner ce début de journée, j'écoutais d'une oreille absolument pas attentive France Inter et j'entendais parler agriculture et agroforesterie. Ensuite, une rediffusion de Secrets d'infos m'informait sur la problématique de la réparation de nos chères centrales nucléaires. Ce fut alors la matinale, le 6/9, et là, je ne le supportai pas très longtemps. J'eus juste le temps d'apprendre un terrible "incident" à Séoul et, estimant en avoir assez entendu, j'éteignais le tuner et l'amplificateur. Je me réjouissais alors de contribuer, modestement, aux efforts d'économie d'énergie prônés par notre président.
Le petit problème informatique était réglé, je n'avais plus de café et je ne réussissais pas à trouver une idée de dessin. De toutes les façons, je n'arrivais pas vraiment à dessiner. J'eus alors l'idée d'aller me distraire en regardant quelques vidéos de la chaîne Le Muséum des ‽ourquois qui est plutôt intéressante dans la mesure où l'on y peut apprendre certaines choses au sujet de plusieurs sujets. Et c'est en visionnant l'une de ces vidéos que je me suis demandé si j'avais eu la chance, dans ma vie qui n'est pas encore tout à fait terminée, de rencontrer pour de vrai de vrais cons.

L'histoire qui a retenu mon attention est celle de McArthur Wheeler et de son acolyte Clifton Earl Johnson. L'action se déroule le 6 janvier 1995 et, puisque cela se passe aux Etats-Unis d'Amérique, je devrais dire On January 6, 1995. Les deux compères entreprennent de s'essayer à l'attaque de banques en bande organisée avec emploi d'armes à feu. Il est des occupations plus sottes que celle-ci. Il est un fait qui n'aura pas échappé aux bandits depuis des temps immémoriaux, c'est que si l'on souhaite obtenir de l'argent d'une manière peu regardante sur la législation en vigueur, le mieux est encore d'aller le chercher là où il est. Quoi de mieux qu'une banque, finalement ? Le raisonnement est plutôt intelligent (sans non plus qu'il faille s'ébaubir outre mesure).
Donc, McArthur et Clifton pénètrent dans une première banque et brandissent leurs armes en disant quelque chose du genre : "les mains en l'air, ceci est un hold-up, on tire sur le premier qui tente quoi que ce soit". On leur remet l'argent et, encouragés par cette première réussite, ils réitèrent leur exploit dans une seconde banque en usant du même dispositif scénique.
La police, alertée rapidement, se rend donc dans les banques braquées et demandent à visionner les bandes vidéos. Là, on voit notre McArthur Wheeler très clairement, absolument pas camouflé derrière une cagoule comme l'aurait fait le premier détrousseur venu. Non. Il est reconnaissable et c'est assez facilement qu'il est reconnu et arrêté.
Ce qui étonne les policiers, c'est l'étonnement de McArthur Wheeler. Comment la police a-t-elle pu le reconnaître et l'appréhender aussi facilement et rapidement ? C'est un mystère. Pour ce McArthur Wheeler, le plan qu'il avait concocté ne souffrait d'aucune faille. On ne pouvait pas le retrouver puisque, selon lui, il était invisible. Invisible et donc impossible à reconnaître. De toute évidence, ça n'avaist pas fonctionneré, le truc de l'invisibilité. Pourtant, il avait réfléchi et était sûr de son coup, McArthur ! C'est à n'y rien comprendre.
Pour monter son coup, McArthur Wheeler avait fait appel à la science (ou presque). Il avait compris que si l'on écrivait quelques lignes sur du papier à l'aide de jus de citron, le texte était invisible tant que l'on n'approchait pas la feuille d'une source de chaleur. Si cela marche pour du texte, ça doit pouvoir avoir d'autres applications super chouettes ! Il presse quelques citrons et se barbouille le visage de jus d'agrume. Ainsi, s'il s'abstient de trop s'approcher d'une radiateur ou d'une lampe à incandescence, ça devrait le faire. Notons l'intelligence d'avoir choisi ce début de mois de janvier pour passer à l'action.
Boum, patatras, ça ne marcha pas. Les bandits furent arrêtés. On peut lire (en anglais) l'affaire sur wikipedia

Cette histoire m'a amusé. C'est méchant de se moquer. Bien sûr, je trouve stupide de croire que du jus de citron peut rendre quoi que ce soit invisible. Du Typex, encore, à la limite, mais du jus de citron ! J'ai ri de la bêtise de ces apprentis pilleurs de banque et je me suis demandé si j'avais déjà eu l'honneur de rencontrer ou croiser d'aussi beaux spécimens de cons. Je ne le pense pas. Des cons, oui, bien sûr, comme nous tous, j'en ai rencontré, j'en ai vu à l'œuvre. Mais jamais de cet acabit. A moins que…
Cela m'a fait penser aux Darwin Awards qui récompensent, souvent à titre posthume, des personnes qui participent activement à l'amélioration du genre humain en faisant en sorte de ne pas transmettre leurs gènes. Je sais que ce n'est pas charitable mais là aussi, ça ne manque pas de me faire rire.
Ces Darwin Awards sont attribués à des personnes qui trouvent la mort ou se blessent sérieusement d'une manière très stupide. Je vous donne un lien pour que vous vous fassiez une idée.
Il n'empêche que, en réfléchissant un peu, je me demande si, tout de même, je n'en ai pas connu quelques unes ou quelques uns qui auraient pu concourir à ce prix. Par exemple, j'ai eu l'honneur de connaître des personnes toxicomanes qui sont passées de vie à trépas alors que, me semble-t-il, on ne cache pas la nocivité de certaines substances. Oui, bon, d'accord, ce n'est sans doute pas un bon exemple. Pas plus que de mourir à rouler trop vite ? Non plus ? Bon, d'accord.
Et là, je me dis que, en fait, pour que ce soit rigolo, il faut que ça fasse dans l'inédit, dans l'inhabituel. On le sait, on nous le dit, à boire de l'alcool, à fumer, à manger gras ou sucré, à manger de la viande, on met sa santé en péril. On sait que ces comportements, sans doute trop encouragés, trop banalisés, coûtent des vies. On sait cela, on ne peut pas dire que nous ne sommes pas prévenus. Et pourtant, nous sommes nombreux à nous penser plus forts que les autres et à passer outre les recommandations des chercheurs. C'est tout de même assez crétin, lorsque l'on y pense. Est-ce que ça fait de nous des cons ? Sans doute, oui. Ce qui nous sauve, c'est le nombre. Lorsqu'il y a trop de cons pour effectuer les mêmes actes, c'est comme si la connerie s'effaçait. C'est une affaire de degré dans la connerie. C'est un peu comme les indices de QI. Il y a la moyenne et si l'on est dans cette moyenne, on n'est pas plus con qu'un autre. Pas moins non plus, soyons honnête. Et puis, il est difficile d'être con à 100%. On peut l'être dans différents domaines, on peut l'être moins ou pas du tout dans d'autres.
Finalement, je ne pense pas avoir déjà rencontré de vrai con. Il y a bien eu certaines rencontres qui pourraient me faire modérer mes propos mais dans l'ensemble, il n'y a pas eu de con sublime. Du moins, je ne le pense pas. Ou bien je ne m'en souviens pas. Ou bien je ne me suis pas suffisamment regardé, allez savoir.

Le livre de la rentrée littéraire


Il est là, il est beau, il est pas cher, c'est le livre qu'il faut acheter.

Les esprits chagrins regretteront que le nom de l'auteur ne soit pas mentionné sur la couverture et qu'il ne soit pas fait état d'une maison d'édition. Cela est vrai et c'est regrettable.
Mais que pourrait-on dire du contenu qui est… absent. Simplement absent. Il n'y a rien. Que des feuilles de papier, des pages vierges. C'est un concept nouveau et, ma foi, assez intéressant puisque ce livre vous propose tout simplement d'écrire ou dessiner ce que vous voulez, au gré de votre inspiration.
On a dit que ce "concept" ressemblait furieusement à celui du carnet. C'est vrai et il aurait d'ailleurs pu s'appeler ainsi mais a-t-on jamais vu un carnet faire des scores de ventes lors de la rentrée littéraire ? Hum ?

Les lois fondamentales de la stupidité humaine

C'est un petit livre de 72 pages de Carlo Maria Cipolla, historien de l'économie de nationalité italienne qu'il convient de lire avant de mourir. Sous les aspects d'une analyse scientifique des plus sérieuses, l'auteur nous explique bien des choses et, graphiques à l'appui, nous démontre le caractère nocif de la stupidité dans nos sociétés. Ce petit livre est édité aux PUF (où l'on peut se procurer l'ouvrage), maison d'édition des plus sérieuses puisque l'on pourra constater que je n'y suis pas publié.

L'Humanité, selon Carlo M. Cipolla, se divise en quatre parties plus ou moins égales. Il y aurait, si l'on divisait une feuille de format carré en quatre parties et que l'on traçait à l'horizontale et à la verticale deux lignes qui se croiseraient au centre de la feuille de papier, il y aurait, donc, disais-je, les crétins qui occuperaient la partie supérieure gauche. Sous eux, en partie basse à gauche, on placerait les stupides. Juste à côté, à droite en bas, on pourrait placer les bandits. Enfin, pour compléter notre graphique, nous placerions les intelligents en haut et à droite. Ceci ne serait en rien dû aux caprices du hasard. Il est bien entendu et compris de tous que les personnes les plus intelligentes se situent toujours en haut (de la société) et à droite (sur l'échiquier politique).


A droite, nous avons donc les deux représentations de la population la moins touchée par la bêtise et, à l'opposé, à gauche donc, les moins bien lotis en terme d'intelligence. L'auteur précise que l'on peut (et doit) tracer deux nouvelles lignes (dans une couleur autre bien sûr) mais dans les diagonales cette fois pour avoir une vision plus claire de la question. Nous pouvons dès à présent considérer que certains stupides sont enclins à se laisser attirer par les côtés soit crétins soit (mais c'est plus rare) intelligents. De la même manière, un bandits peut avoir une certaine tendance pour l'intelligence ou la crétinerie ou, encore un autre exemple, un intelligent pourrait (parfois) se révéler stupide ou bandit.
On peut d'ores et déjà faire le constat que celles et ceux qui restent le plus proche des diagonales sont des personnes très équilibrées dans leur spécificité. Plus on s'approche des coins de la feuille, plus on est extrême dans l'un des quatre aspects de l'étude. A contrario, plus on est proche du centre et moins on est défini. Un peu comme si l'on choisissait, excusez le terme, d'être le cul entre deux chaises.

L'intelligent est celui qui œuvre à accroître son intérêt tout en améliorant le bien général. Le crétin, lui, aura des actions qui lui nuiront mais qui ne feront de mal à personne d'autre. Le bandit est celui pour qui l'action profite au détriment de la communauté. Le stupide s'ingénie à se nuire à tout le monde, lui y compris bien entendu.
Sans entrer dans les détails, on voit que le groupe le plus nocif reste celui des stupides. L'auteur décrit tout cela et tire les conclusions qui s'imposent dans un langage clair empreint d'un humour de bon aloi qui ne gâche rien. Il vous invite à vous plier à l'exercice et à placer les personnes que vous pouvez côtoyer dans les sphères intimes, privées ou professionnelles dans les zones du graphique. Il me semble cependant délicat de se placer soi-même dans l'une ou l'autre des catégories.

Je me dis, après avoir lu ce petit livre, qu'il serait amusant de proposer un jeu lors de réunions entre amis. On distribuerait des petits graphiques vierge et chacun marquerait le prénom des autres dans les secteurs disponibles. Après, chacun devrait expliquer les raisons de ses choix. Ça mettrait sans doute une bonne ambiance pour terminer une soirée qui s'étire un peu trop en longueur.
Je dois vous avouer que depuis la lecture de ce livre, je m'amuse à jouer dans ma tête avec les personnes que je croise ou avec celles que j'ai en mémoire. Je tiens des comptes et je suis étonné par le nombre de ces personnes à se situer dans les parties gauche du graphique. En fait, la zone qui se remplit le moins rapidement est celle dévolue aux bandits purs. Je connais quelques bandits mais ils penchent tout de même sérieusement vers la stupidité. Quant aux personnes intelligentes, je reste médusé par le peu de représentants à inscrire.


Les lois fondamentales de la stupidité humaine — Carlo M. Cipolla — PUF — 7€

Monstres et compagnie

C'est un peu comme l'histoire du battement d'ailes de papillon. Un acte, n'importe quel acte, peut provoquer un événement n'importe où ailleurs sans que l'on puisse tirer un lien de causalité entre l'acte original et la conséquence induite.
Un exemple. Vous êtes dans votre jardin à biner vos choux-raves et, parce que vous n'avez pas pris la précaution élémentaire de vous couvrir d'un chandail à rayures bleues, vous avez attrapé froid et vous éternuez. Parce que vous avez été pris de vitesse par la sternutation intempestive, vous n'avez pas eu le temps d'attraper le mouchoir de Cholet préventivement rangé au fond de la poche de votre pantalon et, afin de parer au plus pressé, vous vous êtes rabattu sur votre main pour recueillir la morve et les crachats. Vous voilà beau ! Vous jetez un œil à droite et à gauche pour vous assurer que l'on ne vous a pas surpris dans votre geste, disons-le, dégueulasse et bien éloigné des plus élémentaires règles du bon goût et de la délicatesse. Vous avez été arrêté dans votre binage, vous n'avez qu'un désir : celui de vous y remettre au plus tôt. Le chou-rave n'attend pas.
Or, et ça vous ne vous y attendiez pas, s'il est bien certain que personne ne vous a vu, il y a néanmoins Huguette qui vous a entendu depuis la cuisine de son petit logement, juste là, derrière le mur mitoyen qui sépare la propriété voisine de votre carré potager où poussent vos choux-raves. Et Huguette, cette brave Huguette, elle est justement en train de repasser la liquette de Léon, son époux. Comme elle a les nerfs fragiles, elle réagit avec trop d'intensité à votre éternuement. Dans un geste réflexe malheureux, elle sursaute avec vigueur. Ceci a pour effet immédiat de tirer sur le cordon du fer à repasser et, par voie de conséquence, d'arracher la prise murale (mal) installée par son Léon de bricoleur.
En explosant, la prise murale libère les fils électriques, le fil de phase comme ceux de neutre et de terre. Tous ces câbles dénudés finissent par se toucher d'où un beau court-circuit accompagné d'un échauffement consécutif et d'un début d'incendie. Huguette n'y prend pas garde et va se servir un verre de Cognac pour se remettre les nerfs en place. Là, elle avise Léon confortablement installé dans son fauteuil en pleine lecture des pages sport du Pélerin Magazine. Dans sa tête, ça fait comme un court-circuit d'un autre genre. Elle pète les plombs (comme on dit vulgairement). Elle se met à engueuler Léon, lui reproche de ne rien foutre de la journée, de ne pas même s'occuper du bouturage des choux-raves qui attendent au sous-sol et que si c'est comme ça, si sa mère vivait encore, elle repartirait sans plus attendre chez elle.
Léon, qui n'aime pas être dérangé dans ses activités intellectuelles s'emporte à son tour et l'engueulade prend une ampleur insoupçonnée. Pendant ce temps, la cuisine est gagnée par les flammes mais pas plus Huguette que Léon, tout occupés qu'ils sont à se lancer des noms d'oiseaux, n'y prêtent attention. L'incendie en profite, en catimini, pour s'étendre à l'étage, aux rideaux de la chambre et au couvre-lit, aux pages de la Bible et à la lingerie coquine du deuxième tiroir de la commode.
Non loin de là, Maurice Lelong, adjoint au maire, aperçoit un panache de fumée s'élevant de la maison de ses concitoyens. Il se saisit de son téléphone portable et compose le numéro de téléphone des pompiers. En quelques minutes à peine, le centre de secours du canton est averti et une équipe de valeureux guerriers du feu s'équipe pour partir combattre l'incendie et sauver des vies. Toutes sirènes hurlantes, le camion file à vive allure à l'assaut de la route départementale. Par grand malheur, on n'avait pas prévu qu'Anatole, agriculteur d'âge très avancé et sourd comme un pot, avait décidé, comme fait exprès, de s'en aller sarcler son petit champ de choux-raves. En plus d'être mal-entendant, Anatole est d'un naturel très distrait et il n'entend pas plus qu'il ne voit le rouge véhicule apparaître derrière le traître virage bordé d'arbres de haute futaie. Il embraye et engage le petit Massey-Ferguson sur la route, juste pour la traverser, son lopin de terre est juste en face. Le camion n'a pas le temps de freiner, le chauffeur parvient à éviter Anatole et son tracteur mais conduit le véhicule de secours au fossé. Pendant ce temps, la maison est entièrement avalée par les flammes. Huguette et Léon ont arrêté de se disputer et sont dans leur jardin, bouches bées et larmes aux yeux.
Mais la fumée dégagée par le sinistre a pour conséquence d'importuner les guêpes qui avaient élu domicile dans un arbre creux. L'une d'elle, par pure méchanceté, par fourberie, par surprise, vole à toute allure vers vous qui avez interrompu votre opération de binage pour profiter du spectacle de cette maison en flammes. Vous prenant à revers, la guêpe perfide vise un point précis de votre anatomie et le dard dressé en avant, vous pique et inocule une belle quantité de venin. Vous ne le saviez pas encore mais il se trouve que vous êtes terriblement réactif et allergique et que vous allez bientôt passer de vie à trépas. C'est pas de chance. Tout ça à cause d'un éternuement et, d'une certaine manière, des choux-raves.

L'effet papillon, c'est un peu ça. Si je vous parle de cet effet, c'est que j'ai fini la lecture du dernier livre de Philippe Jaenada, "Au printemps des monstres" (Mialet Barrault, 2021), et que, au moins pour le début du livre, je vois un rapport plus que certain avec cet effet papillon que j'ai tenté de vous expliquer un peu avant. Mais je vois que votre cervelle n'est pas conçue pour comprendre sans que l'on vous explique longtemps. Je vais donc vous apporter des éclaircissements.
En son temps, j'avais écrit tout le bien que je pense d'un roman précédent du même auteur, "La serpe", qui nous éclaire d'un jour nouveau sur l'affaire du triple meurtre d'Escoire et du destin incroyable d'Henri Girard plus connu sous le nom de Georges Arnaud. Cette fois-ci, Philippe Jaenada entreprend au long de plus de 700 pages de nous donner sa vision d'une autre tragique affaire, celle du meurtre de Luc Taron, petit garçon de 11 ans, tué en 1964.

Et c'est là qu'arrive le lien que je me permets de faire entre l'effet papillon et le meurtre de Luc Taron. Vous allez voir, c'est bien tiré par les cheveux et un poil tordu comme raisonnement. J'aime ça. Vous allez adorer, j'en suis presque certain. Ceci dit, si ça se trouve vous allez trouver tout cela totalement insensé, dénué d'intérêt, farfelu et, en un mot, ridicule. Possible mais attendez un peu avant de juger.

Donc, Luc Taron. Luc Taron est un petit garçon de 11 ans que l'on retrouve mort (et pas de mort naturelle) dans un bois du sud parisien. Luc Taron était un petit garçon parisien qui allait à l'école, avait des camarades de classe, une maîtresse, des parents, ses petites habitudes pour aller et revenir de l'école. Un gamin du Paris des années 60 comme un autre. Pas un gamin très brillant et éveillé mais ils ne le sont pas tous. Un jour du mois de mai 1964, il rentre de l'école et arrive chez lui. Il retrouve sa mère, sa tante et sa grand-mère. Il prend un goûter rapide et son père qui est arrivé lui demande à voir son carnet pour voir les devoirs qu'il a à faire. Il lui est demandé de conjuguer le verbe "rire". Luc va dans sa chambre et commence l'exercice dans son cahier.
A un moment, Luc sort de sa chambre et descend au rez-de-chaussée "pour ranger ses jouets" dit-il à sa mère. Quelques minutes plus tard, Suzanne (la mère de Luc) ne voit pas son fils remonter et elle se souvient qu'elle a laissé son sac en haut de l'escalier et elle sait que Luc peut ne pas avoir résister à la tentation de puiser dans son porte-monnaie. Elle retrouve le sac en bas et le porte-monnaie allégé. Plus de Luc. Il a pris la fille de l'air.
Quelque temps plus tard, Luc revient chez lui. Sa mère l'attend. Lorsqu'il l'aperçoit, après qu'elle lui a demandé d'où il venait, il rougit et tourne les talons pour fuir à toutes jambes. Nous sommes alors le 26 mai 1964, c'est un mardi et l'on ne reverra Luc que le lendemain, le 27 mai. Mort, dans un bois de Verrières-le-Buisson.

Voilà pour l'affaire. Le rapport avec l'effet papillon ? J'y arrive. Le 25 mai de la même année, à Saint-Germain-en-Laye (Seine & Oise), naît Philippe Jaenada. Lorsque Luc est retrouvé mort dans cette petite forêt, cela fait deux jours à peine que l'auteur a pris sa place dans la lignée d'Homo sapiens. C'est avoué par le romancier, s'il s'est pris d'intérêt pour ce fait divers, c'est parce qu'il y a presque concordance entre sa naissance et la mort de Luc. Comme s'il y avait un rapport de cause à effet. A moins que Philippe Jaenada soit un psychopathe extrêmement précoce et particulièrement habile, on peut écarter l'éventualité que l'assassin soit le nouveau né. S'il n'avance pas d'alibi, si l'on ne peut rien écarter, on peut supposer qu'il était alors, au moment des faits, à la fois étroitement surveillé et certainement dans l'impossibilité de commettre quelque acte répréhensible et a fortiori criminel qui soit. D'ailleurs, à ma connaissance, ni du côté de la police criminelle ni de celui de la Justice, on a ne serait-ce qu'un instant creusé cette piste. Je pense que Philippe Jaenada est innocent. C'est mon intime conviction. Pour ma part, bien que de la même année, je n'étais même pas encore né au moment des faits. Je n'ai rien à ajouter pour ma défense.

Le livre de Philippe Jaenada est un roman. Un roman-enquête mais un roman tout de même. Il est construit sur le même principe que la Serpe. Il y a exposition des faits, production des éléments d'enquête, le déroulé des faits et la conclusion "officielle" pour la première partie. La deuxième s'attache à une contre-enquête et au démontage en règle des certitudes passées. Philippe Jaenada revient sur tout en allant consulter les archives, en recoupant des sources, en questionnant des points précis, en se rendant sur des lieux pour s'imprégner de quelque chose d'impalpable, d'improbable. Cette enquête est captivante et se lit avec gourmandise, avec appétit. Elle est servie avec ce style qui me plaît tant, un mélange de gravité lorsqu'elle est nécessaire et de beaucoup d'humour lorsque cela est permis. Il y a ces digressions dont l'auteur a le secret qui déboulent sans crier garde et qui apportent de l'air, du détachement, de la vie. On ne parvient pas à se détacher du bouquin, on a envie d'aller plus loin, encore une page, s'il vous plaît, messieurs les boureaux. Un réel plaisir que de lire Monsieur Jaenada.

Avant de lire ce gros livre, avant d'en entendre parler sur France Inter ou par Marc qui a fait acte de générosité et de confiance en me le prêtant, j'ignorais tout de Luc Taron, de son assassinat et de tout le reste. Et pourtant, bien sûr, j'en avais entendu parler. Le truc, c'est que ça ne s'était pas imprimé dans ma pauvre cervelle cacochyme presque hors d'usage à un point tel que même la science n'en voudrait pas pour caler un meuble bancal. Luc Taron ? Inconnu au bataillon. Lucien Léger, par contre, bon sang mais c'est bien sûr ! Lucien Léger, longtemps détenteur du record de longévité de détention avec 41 ans d'emprisonnement, bien sûr que j'en ai entendu parler. C'est lui qui s'est accusé, qui a reconnu avoir commis le meurtre avant de se rétracter et de clamer son innocence des décennies durant. Pour Philippe Jaenada, s'il n'y a pas certitude que Lucien Léger est étranger à toute l'affaire, il y a fort à parier que d'autres ont échappé à la police et aux juges. Il faut avouer que c'est une affaire bizarre. Lucien Léger a bien reconnu et n'a jamais nié être à l'origine des lettres dont il a abreuvé les enquêteurs, les radios et journaux dans les premiers temps. Il signait "L'étrangleur" et se présentait comme l'assassin. Les explications qu'il pourra donner pour expliquer ces lettres anonymes peinent à me satisfaire. Une affaire compliquée qui n'a rien de très clair.
De plus, les axes de défense de Léger, une fois qu'il a décidé de se dédouaner de tout et du reste (sauf les lettres anonymes), sont difficiles à suivre. Il dit un peu n'importe quoi, utilise beaucoup trop les non-dits et les sous-entendus abscons, les allusions approximatives et les déclarations vaseuses.
Mais l'enquête de Philippe Jaenada pointe aussi quelques personnes troubles ou troublantes qui ont gravité à proximité plus ou moins immédiate de l'affaire. A commencer par le père de Luc Taron, Yves Taron, et Jacques Salce, graphologue. Jaenada brosse des portraits qui nous rendent ces deux hommes a minima antipathiques.
La dernière partie de ce roman est consacré à Solange, épouse de Lucien Léger. L'auteur ne cherche pas à cacher qu'il est touché par elle, qu'il a de l'empathie, de la peine. C'est un destin cruel qui accable cette femme qui aura eu une vie de merde et une fin précoce, en 1970, la trentaine. C'est jeune. Elle n'aura apparemment pas cessé d'aimer et défendre Lucien. Hospitalisée à maintes reprises dans des services psychiatriques qui n'auront d'autre soutien que de la bourrer de médicaments, elle suscite de la tristesse et du regret. A-t-elle su quoi que ce soit à propos de cette ténébreuse affaire ? Mystère et conjectures.


Ces 730 pages sont à dévorer moins pour le crime ou le fait divers que pour le bonheur de se plonger dans le style et l'humour de Philippe Jaenada.

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