Que buvaient les Pétrocores ? De quel illustre philosophe et économiste l'arrière-arrière-petite-fille a-t-elle tenu un bar de nuit à Périgueux ? Qu'est-ce qui fit voler en éclats les vitrines du Café de la Comédie en 1905 ? Évoquer les mille et une adresses qui ont abrité un débit de boisson à Périgueux, c'est parcourir toute la ville, sa bruissante histoire et quelques folles aventures. Analyse thématique de ce que furent et demeurent les bistrots périgourdins doublée d'un guide de balade instructif dans Périgueux, cet ouvrage est une véritable encyclopédie sous forme de tournée des grands ducs d'hier et d'aujourd'hui avec à chaque halte l'évocation des origines, des grandes heures de certains patrons et piliers de comptoir, truffée de témoignages et d'anecdotes.
Est-ce que la promesse d'un guide des mille et un bistrots d'hier et d'aujourd'hui de Périgueux est tenue ? Je ne le sais pas. Pour dire ce qu'il en est tel qu'il est, ce nouveau livre de Michel Labussière, je ne l'ai pas lu (pas encore). Je ne suis ni assez vieux ni assez périgourdin pour en avoir beaucoup connu sur ces mille et un annoncés mais j'en ai tout de même connu quelques uns qui n'existent plus aujourd'hui et certains qu'il fallait connaître pour s'y retrouver un jour à boire une bière en compagnie des habitués et les écouter raconter les histoires du quartier.
Les bistrots, ce n'est plus ce que c'était, je le regrette un peu. J'ai aimé ces moments passés dans ces endroits populaires ou snobs ou "select". Du petit bistrot de village au bar intimidants (et aux tarifs qui éloignaient le trop populo), il y en avait un peu pour tous les goûts. On choisissait son comptoir par affinités diverses, parce que l'on s'y sentait bien, que l'on y retrouvait ses semblables, parce que, aussi, on pouvait y écouter de la bonne musique ou entendre des discussions animées sur la politique ou tout autre sujet.
J'aimais les bistrots où il n'y avait pas d'écrans, où il y avait un flipper, où on pouvait fumer, où on pouvait squatter une chaise plusieurs heures sans ça chagrine trop le patron. J'aimais les bistrots où l'on parvenait à faire partie du décor, qu'on avait acquis le statut d'habitué et que l'on pouvait espérer profiter de la tournée du patron.
Bien sûr, les bistrots entretenaient l'alcoolisme et l'alcoolisme c'est mal. L'alcool, c'est mauvais pour sa santé et pour la santé des autres aussi. Ce n'est pas bien. Il n'empêche que les bistrots étaient des endroits où se retrouvaient les micro-sociétés, où l'on discutait, prenait des nouvelles des uns et des autres.
Périgueux, que sont nos bistrots devenus ? Le journaliste retraité périgourdin Michel Labussière répond à cette question dans un livre qui vient de sortir des presses de la Nouvelle Imprimerie Moderne. À l’issue d’un exhaustif travail d’archives et de fourmi, il a relevé l’histoire, la succession des gérants et des anecdotes sur la bagatelle de quelque... mille adresses qui ont abrité à un moment ou un autre un bar, un comptoir, une buvette. Il a aussi en arpentant les rues de la capitale du Périgord, dont il propose aussi un circuit, traqué sur le terrain les traces de ceux qui avaient disparu, et interviewé quelques mémoires. De nombreuses photos dont certaines piochées dans les albums de famille illustrent cet ouvrage. Au fil de ce relevé classé par quartiers et par rues, il a aussi dégagé des grandes lignes et thèmes qui font de cet ouvrage une véritable histoire des bistrots, et de Périgueux à travers ses bistrots, de l’époque gallo-romaine à nos jours. Les guerres, les migrations, la place des femmes, les faits divers, les changements de mode de vie qui ont fait disparaitre beaucoup d’établissements mais donnent une nouvelle vie à la centaine qui existe toujours, les crimes, la prostitution, comme le lien entre les bistrots dans le sport, la politique, le patrimoine. Le livre comporte également un index alphabétiques complet de toutes les adresses par rues, gérants et personnes citées.
Une histoire de Périgueux à travers ses bars (suivie d’un guide histoire par quartiers des mille et un bistrots d’hier et d’aujourd’hui)
Editions du Perce Oreille. 500 pages, 249 photos, 29 euros.
Commandes : Michel Labussière, Tel 06 49 39 55 22 . courriel: <mlabussiere@wanadoo.fr>
Je tiens à ajouter et alors que l'on ne m'y a nullement contraint sous la menace que, je cite : « T'as juste oublié de mentionner que la maison d'édition était remarquable et gérée à la perfection par une éditrice extraordinaire. »
1 De Waldo7624 -
Bravo à lui, nous verrons son ouvrage au Salon du livre du Lardin dimanche.
C'est un beau sujet (les bistrots, pas Labussière... encore que).
Beaucoup de livres sur les bistrots (ceux de Paris aux éd. Massin) qui sont un phénomène de société, phénomène qui part en c... grâce aux rézossossiox. On a troquet l'alcoolisme (mais pas que !) contre l'obscurantisme.
2 De Tournesol -
L’alcootest a peut être fait plus de mal aux bistrots que les réseaux sociaux.
3 De Tournesol -
Il fait un temps à lire un bon livre à côté d’une bonne bouteille.Et ça tombe bien,Ernestine vient de me ramener une bouteille de rhum de Madagascar.
4 De Jeannot lou Paysan -
Dans son autobiographie Le Café du Pont, parue en 2005, Pierre Perret nous dévoilait sans fard, et de façon un peu brutale, ce qu'étaient les habitudes dans un café populaire (celui que tenaient ses parents) dans les années 1935-1955. La vérité, c'est que nos grands-parents étaient de sacrés soiffards, avec toutes les conséquences qui en découlent. La misère sociale en tête. J'ai oeuvré dans ce milieu, et on y rigolait souvent, sans penser à la famille de ces pauvres couillons, drôles souvent, tristes aussi, ou violents, qui se pochtronaient avec application chaque jour.
La conscience parfaitement tranquille, la cirrhose en gestation et les poches bien pleines, le patron n'avait guère de mal à assumer son rôle "social".
Il y a beaucoup d'hypocrisie derrière cette "nostalgie" des bistrots, ou tout du moins une belle cécité.
5 De Michel Loiseau -
@Tournesol : Et l'embourgeoisement, la télévision, plus tard la gentrification. Pour ma part, je me souviens qu'il y a eu une époque que je situerais vers le milieu des années 90 à laquelle on s'est dit qu'il était moins onéreux de faire des soirées chez les uns•es que de les faire au bistrot.
@Tournesol : N'est-il pas un peu tôt pour débuter les hostilités ? Je ne connais pas le rhum malgache.
@Jeannot lou Paysan : Je suis d'accord avec vous et Zola a bien dépeint les ravages de l'alcool. Je me souviens cependant que, dans les petits cafés populaires, on buvait plus du vin que des boissons plus alcoolisées et que, oui, s'il y avait bien là des alcooliques qui revenaient souvent dans la journée pour un verre, ma foi, c'était pour rester à niveau. C'est un réel problème et je ne dis pas le contraire mais, à mon avis, ça n'avait pas grand rapport avec ce qu'il se passait dans les boîtes de nuit dans les années 80. Et encore, ne parlons pas des discothèques mobiles qui faisaient la joie des jeunes partout dans les campagnes et dans les petites villes de province où on trouvait beaucoup de viande saoule.
Oui, l'alcool est un poison qu'il faut sans doute combattre, il n'y a pas de dose à laquelle le danger est écarté.