Le serpent majuscule

C'est au sujet d'un roman de Pierre Lemaitre. Pierre Lemaitre, je l'ai découvert avec Au revoir là-haut, roman paru en 2013 et récompensé de plusieurs prix littéraires. La lecture avait été jubilatoire et j'avais dévoré le reste de l'œuvre de l'auteur.
L'autre jour, une copine me demande s'il me plairait de lire un bouquin de Pierre Lemaitre. C'est celui dont j'ai envie de vous parler aujourd'hui, il a pour titre Le serpent majuscule et c'est tout à la fois le premier et le dernier roman noir de cet auteur.

Je ne sais pas si l'on peut faire confiance aux romanciers pour dire la vérité. Il nous est dit que ce roman, Le serpent majuscule aurait été écrit en 1985. Jamais publié, il se trouve que Pierre Lemaitre remet la main dessus et, en le redécouvrant, il se dit qu'il n'est pas si mal que ça et qu'avec juste une petite relecture attentive, quelques menues corrections, il pourrait tout à fait trouver sa place dans les librairies. L'histoire est presque trop belle et on ne demande qu'à la croire tant la lecture du bouquin est un délice.
Il y a pas à tortiller, un bon livre, ce n'est pas difficile à reconnaître. Si vous ne parvenez pas à le lâcher, si vous le dévorez trop vite à votre goût tant vous aimeriez que l'histoire dure encore et encore, c'est que c'est un bon livre. Et voilà que ce livre là, c'est un sacré bon livre. D'abord, je ne vois même pas pourquoi je vous en parlerais si ce n'était pas le cas. Pour me moquer, pour vous avertir, vous prévenir ? Oui, je pourrais faire ça le cas échéant et d'ailleurs, je me demande si je ne l'ai pas déjà fait. Me souviens plus très bien. Celui-ci, pas d'erreur, il faut le lire. Surtout si on aime le roman noir, surtout si on aime la belle écriture.

Il y a plusieurs personnages. Des femmes, des hommes, des chiens, des policiers et même des morts. Au début, les morts ne le sont pas encore et à la fin, les vivants ne le sont plus tous. Le personnage principal, c'est Mathilde, une petite et grosse femme d'une soixantaine d'années qui vit seule (parce que veuve) du côté de Melun, en Seine-et-Marne. Ah si, tout de même, elle a un chien, un dalmatien qui s'appelle Ludo. Elle a une fille et son époux était médecin. Elle roule en Renault 25 de couleur claire.
Il y a aussi René Vassiliev qui est policier, inspecteur, grand et voûté, mince, un poil dépressif. Il va mener une enquête à propos de l'assassinat en plein Paris d'un industriel. Il a une relation presque filiale avec un vieil homme, préfet retraité qui, l'âge aidant, perd la tête. Heureusement pour lui (pour le préfet), une jeune femme d'origine cambodgienne l'aide dans son quotidien. Le René Vassiliev vient souvent rendre visite à M. de la Houssaye (que l'on appelle Monsieur et qui est le préfet). Et aussi, il est un peu amoureux ou pour le moins attiré par la jeune asiatique, Tevy.
Sinon, nous avons aussi Henri, ancien résistant, ancien compagnon d'arme de Mathilde, elle aussi ancienne résistante et décorée de la médaille de la Résistance. En quelque sorte, Henri a sans doute été amoureux de Mathilde mais la vie a fait que ça ne s'est pas fait. Mathilde a épousé son médecin elle a eu une fille et les années ont passé. Quoi qu'il en soit, Henri et Mathilde sont toujours restés en étroite relation d'un point de vue professionnel.
Qui d'autre ? Il y a le commissaire, un type pas franchement agréable qui se goinfre de graines, de noix de cajou ou de cacahuètes. Un commissaire pas très futé, colérique, prétentieux. Et Lepoitevin, le voisin direct de Mathilde qui n'aime rien tant que jardiner. Mathilde ne l'aime pas du tout, celui-là !

Et donc, il y a tout ce petit monde plus d'autres personnes dont des qui vont mourir bientôt et c'est parti pour un bon roman noir avec des crimes, de l'amoralité en veux-tu en voilà, beaucoup d'humour et un peu de tendresse. On ajoute une dose de problèmes psychiatriques avec le commissaire Occhipinti qui est tout de même un peu con et qui ne pense pas beaucoup sauf à son avancement, avec Mathilde qui, à soixante ans passés commence à s'emmêler les pinceaux dans la tête et avec le préfet, Monsieur, qui fait de la démence sénile.
Au chapitre des véhicules mis en scène dans ce roman de trois cents pages, on notera une Renault 25 de couleur claire, une Citroën AMI 6, un fourgon immatriculé en Belgique et, pour un court passage, un camion dont on ne sait pas grand chose.

En gros, tout est là pour écrire un roman noir épatant (plus personne n'utilise cet adjectif, ça me fait penser aux Pieds Nickelés à chaque fois). Tout est là sauf que moi, ça me fait un peu enrager, justement. Non parce que, soyons honnêtes, même en ayant tout les éléments, jamais je n'aurais pu écrire une telle merveille d'humour noir déjanté. Ah ! C'est qu'écrivain de grand talent, c'est un métier, ce n'est pas donné à tout le monde. Remarquez qu'à la réflexion, c'est pas plus mal que ça ait été écrit par meilleur que moi. Ça m'a donné l'occasion de lire un bon bouquin. Allez, disons-le, sans doute le meilleur de ceux que j'ai pu lire cette année.
Je n'ai même pas envie de vous raconter l'histoire, même pas un début de contexte, un commencement. Je n'ai pas envie de vous dire qui fait quoi et comment et pourquoi. Je peux dire qu'il y a des morts, des assassinés, des gros calibres du genre "Desert Eagle", des balles tirées dans des bas-ventres, des têtes qui explosent. Ça ne rigole pas, ça tue froidement et (presque) proprement (mais salement tout de même). La majorité des crimes sont commis par une même et unique personne qui agit avec un professionnalisme à toute épreuve et un sang-froid qui, peut-être, donne le titre au roman.
Dans l'histoire, il y a des moments où on pense avoir deviné ce qui va se passer la page suivante sauf que Pierre Lemaitre, en génie littéraire qu'il est, parvient à vous surprendre encore et encore. Et cela jusqu'aux toutes dernières pages. Et là, moi je dis chapeau parce que j'en ai soupé des romans cousus de fil blanc ou de ceux qui se sortent d'une intrigue par une pirouette improbable. Non, franchement, il n'y a pas à dire, c'est du bon Pierre Lemaitre.

Le serpent majuscule - Pierre Lemaitre
D'ailleurs, puisque j'en suis à parler de l'auteur, je dois reconnaître que je n'ai pas lu les deux romans qui font suite à Au revoir là-haut. Pourtant, ce roman là, comment je l'ai aimé ! Et même l'adaptation cinématographique coécrite avec Albert Dupontel. Pourtant, je ne sais même plus pourquoi, j'ai eu l'idée, peut-être foireuse à souhait, que la suite n'allait pas être aussi bonne. En fait, si, je pense me souvenir. C'est qu'il y a eu un assez gros battage médiatique à la sortie du deuxième roman de la trilogie Les enfants du désastre, Couleurs de l'incendie et que ça m'a gonflé un peu. A l'époque, en 2018, je me suis dit que j'allais attendre, que j'allais voir si les éloges se faisaient encore entendre après une semaine. Et puis, j'ai eu des échos de personne ayant lu ce deuxième roman et il m'a semblé qu'il n'était pas à la hauteur du premier. Puisque je n'avais pas lu le deuxième, je ne pouvais pas lire le troisième. Il faut un peu de cohérence, dans la vie. Et même si c'est pour avoir l'air encore plus con que d'habitude, nom de dieu !

En cherchant les titres de cette trilogie sur wikipedia, je découvre à l'instant que l'on dit que Pierre Lemaitre habiterait dans l'agglomération de Périgueux. Je savais bien que c'est quelqu'un de bien, cet homme là. Si un jour on se croise, faudra qu'il m'invite à manger histoire qu'on cause littérature.
Bien. Puisque je n'ai aucune envie de vous raconter le livre, que je ne vais pas non plus passer mon temps à vous faire perdre le vôtre à dire tout le bien que je pense de Pierre Lemaitre et de la plupart de ses romans (les autres, je ne les ai pas lus), je ne peux que vous encourager à trouver un exemplaire de ce bouquin qui est sorti au Livre de Poche et qui est vendu la bagatelle de 7,90 euros. Vous verrez, vous ne serez pas déçus.

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