Mot-clé - esprit critique

Fil des entrées - Fil des commentaires

La pensée est aussi une jolie fleur

Imaginons un instant que vous pensiez. Et là, je préfère vous prévenir, je ne doute pas un instant que vous n'avez jamais eu la moindre idée de quoi que ce soit qui vous ait été propre, qui ait été novatrice, exclusive, inédite. Enfin bon. Admettons que vous pensiez. En ce cas, vous produisez une pensée et, à moins que vous ne l'écartiez immédiatement, vous la conservez et vous la jugez bonne. Vous êtes très certainement dans l'erreur.

Le problème avec la majorité des gens qui pensent, c'est qu'ils pensent penser comme il faut et être à la source de pensées lumineuses. Ils sont tellement persuadés que leurs pensées sont bonnes qu'ils tiennent à les partager voire même à les imposer. Les gens qui pensent pensent trop souvent que leurs pensées doivent pouvoir être acceptées comme des pensées incontournables et essentielles auxquelles ont se doit de souscrire sans lire les lignes de petits caractères cachées en bas de page.
On pourrait penser que les gens qui pensent sont assez avisés de garder leurs pensées pour eux et qu'ils n'ont pas la volonté de faire chier leur entourage avec ça. Il doit exister des gens assez intelligents pour agir ainsi. Je n'en doute pas. Sans que je puisse quantifier, il me semble néanmoins qu'ils sont nombreux, les penseurs qui essaient à toute force de vous embringuer dans leurs délires et lubies. Il en existe même qui sont tellement chiants que, par lassitude et faiblesse, vous finissez par accepter de les suivre un instant. Parfois même, ces penseurs cessent de penser leur truc pourri sans vous prévenir et vous laissent continuer seul. A un moment, bien entendu, vous vous demandez pourquoi vous êtes dépositaire de cette pensée à laquelle vous n'adhérez pas, qui n'est pas la vôtre, qui même est contraire à vos idées. Et là, vous vous apercevez que l'initiateur est passé à autre chose. Vous vous retrouvez comme un con avec une pensée de pacotille.

Je ne suis pas contre la pensée. Ça peut être amusant ou utile. Je suis contre les penseurs qui, à la faveur d'une bribe de pensée bancale et mal pensée survenue un peu comme on lâche un pet foireux, pensent tenir une pensée incroyablement bien pensée et qui, juste parce qu'ils ne voient pas comment ils vont pouvoir exploiter cette pensée, pensent qu'ils doivent s'entourer d'autres gens pour la réaliser.
Parmi ces gens, il y en a qui ont des finances et qui paient. On les appelle des entrepreneurs. Le plus souvent, ce sont tout de même des gens qui n'ont pas la pensée qu'il conviendrait de payer ceux qui vont tenter de donner forme à leurs pensées stupides. J'en ai croisé plusieurs fois, des comme ça. Je me souviens par exemple, j'étais jeune, d'un type qui se pensait penseur et inventeur de génie et qui m'avait mis le grappin dessus pour que je lui fasse des trucs qui allaient révolutionner le monde (au moins) et apporter richesse et considération. Il m'avait dit le peu qu'il savait de sa pensée et m'avait laissé faire avec ce peu. C'était attendu, tout ce que je pouvais lui proposer n'était jamais en accord avec le fond de sa pensée particulièrement creuse.
Il y a aussi les penseurs qui pensent savoir ce que les gens pensent ou ce qu'ils devraient penser. On en rencontre beaucoup parmi les politiques, de ceux-là. Et il en existe toujours un certain nombre qui sont prêts à suivre le penseur. Ils font leur la pensée du politique et sont disponibles pour la défendre bec et ongle même si, la plupart du temps, la pensée est très vague, très floue. Plus la pensée d'origine est fumeuse et simpliste, plus elle sera à la portée du plus grand monde. Ça peut être une pensée généreuse (mieux distribuer les richesses, en finir avec la faim dans le monde, guérir toutes les maladies, instituer le droit fondamental à l'amour et au bonheur dans la constitution) ou une pensée hargneuse (supprimer les pauvres, les étrangers, les handicapés, les "pas comme nous", les autres, les opposants politiques, les moches, les idiots). Toujours, il s'en trouvera pour lever les bras de joie à la gloire de la pensée de ce penseur providentiel.

Si, l'un dans l'autre, nous en sommes tous réduits à penser à un moment ou à un autre, c'est là une partie de la malédiction du genre humain, nombreux d'entre-nous savons que la bonne pratique est de conserver ses pensées par devers soi et de ne pas faire chier autrui plus que de raison. Pour préserver sa santé mentale et ses nerfs mis à dure épreuve, il convient de résister aux injonctions des penseurs intrusifs et insistants. Osons dire aux penseurs de peu de valeurs que l'on se fout de leurs pensées pourries ! Apprenons à voir la malhonnêteté intellectuelle des penseurs pauvre d'esprit et d'intelligence. Ne nous laissons pas embarquer dans des combats qui ne sont pas les nôtres, préférons la liberté de pensée à l'adoption de pensées pré-digérées d'origine douteuse. Pensons pour nous, en silence, dans son intimité.

G Milgram contre le bullshit quantique de Guerlain et LVMH

Je viens de regarder le deuxième (et dernier ?) épisode du YouTubeur G Milgram consacré à la fumisterie née autour de la nouvelle pommade de chez Guerlain. C’est savoureux, c’est beaucoup plus documenté que le premier épisode.

Vidéo de G Milgram sur la crème à l’orchidée de Guerlain

From Outer Space (et de plus loin que l'univers)

Les Envahisseurs : des êtres extra-terrestres provenant d'une planète mourante. Leur destination : la Terre. Leur objectif : en faire leur univers. David Vincent les a vus. Pour lui, tout commença une nuit perdue sur une route de campagne désolée, à la recherche d'un raccourci qu'il ne trouva jamais. Cela commença par un restaurant abandonné et un homme privé de sommeil depuis bien trop longtemps pour continuer son voyage. Cela commença avec l'atterrissage d'un vaisseau d'une autre galaxie. Maintenant, David Vincent sait que les envahisseurs sont là, qu'ils ont pris forme humaine. Tant bien que mal, il doit convaincre un monde incrédule que le cauchemar a déjà commencé…

Fake-Up - deuxième partie

Le 3 octobre 2022, je vous parlais de la première partie du documentaire de Clément Freze, "Fake-up". Dans ce billet de blog, je vous conseillais de voir cette première partie et, aujourd'hui, je vous conseille d'aller au plus tôt voir la deuxième partie de Fake-up.

On peut croire de bonne foi. Parce que l'on accorde sa confiance à la personne qui nous informe, parce que le propos semble crédible, parce que l'on s'est bien appliqué à bâtir le mensonge. On peut aussi croire parce que l'on est candide, que l'on ne voit pas le mal, la malice ; parce que ce serait tellement beau que ce soit vrai, parce que ça va dans le sens que l'on a envie d'entendre. On peut croire pour de bonnes ou de mauvaises raisons et il peut arriver que ce en quoi on a cru se révèle être faux et qu'il fasse bien faire avec cette annonce. On a pu se construire autour d'un mensonge, d'une illusion et on était heureux avec ça. Parfois, il faut accepter de déconstruire ses croyances et accepter une vérité scientifique ou une vérité toute simple, qui n'a rien de scientifique mais qui casse juste un mythe familial, une histoire que l'on a pu nous raconter.
Je suppose qu'à un niveau ou à un autre, nous avons tous eu à passer par l'un de ces moments un peu douloureux où on se rend compte que la vérité n'est pas dans nos croyances. Ça peut être l'histoire du père Noël. Ça peut aussi être des non-dits qui entourent une personne de mystère. On est petit, on ne comprend pas bien pourquoi on ne parle plus jamais, pourquoi on ne voit plus jamais, une personne qui était présente dans son entourage peu avant. On est petit et on ne nous explique pas que si l'on voit plus cette personne, c'est qu'elle a été assassinée par sa femme. Alors, parce que, tout de même, on aime bien avoir une explication, on accepte un peu n'importe quoi même si, au fond, on a du mal à croire l'explication. Enfin le fait est que l'on accepte de croire ou de faire semblant.

Et alors, à côté des personnes qui croient, il y a celles qui veulent faire croire. Il y a les menteurs maladifs, les mythomanes impénitents, celles et ceux qui ne manquent pas d'imagination. Il y a aussi des personnes qui ont pour ambition de manipuler les autres (et de gagner plein de pognon aussi). Les auteurs de "Hold-up", ce documenteur complotiste bien trop connu (je ne l'ai toujours pas vu) tentent de persuader que le coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la pandémie de Covid-19 est une invention humaine, tantôt sorti des laboratoires de l'Institut Pasteur, tantôt issu d'un laboratoire chinois, une invention ayant pour but de supprimer un maximum d'êtres humains. Un complot mondial qui doit servir les intérêts des "puissants". Tout un programme.


Clément Freze a mené l'enquête. Il a rencontré de nombreuses personnes, les a interrogés et il se sert de cette matière pour détruire les arguments des auteurs de "Hold-up" un à un. Pour faire simple, il n'y a pratiquement rien à garder dans le film "Hold-up". Tout est biaisé, faux, tronqué, approximatif, absurde, ridicule, trompeur, délirant. Mais ça a marché et ça marche encore. Que l'on ait pu croire aux propos avancés par ce film, après tout… Il faut être honnête, entre les conneries racontées par la macronie aux premiers temps de la pandémie (il ne faut pas porter de masque, des masques on en a plus que besoin, les masques, c'est trop difficile à utiliser…), les mesures qui ont accompagné le premier confinement et l'attestation à remplir soi-même pour aller faire ses courses, les limites de circulation, l'interdiction de s'asseoir sur une plage déserte (et j'en passe), on pouvait avoir envie de se défouler et de dire tout le mal que l'on pouvait penser de Macron et de ses ministres. Mais de là à prêter l'oreille à des théories fumeuses telles que présentées dans "Hold-up" ?
Il est certainement trop simple de dire que les tenants de ces théories du complot sont de simples gros cons avec rien dans la tête. Trop simple mais tout de même, on ne m'ôtera pas de l'esprit qu'il faut avoir de sacrés trous dans la comprenette pour croire à de pareilles conneries. À ce niveau, ce ne peut plus être de la simple naïveté. Ce n'est pas possible.
Clément Freze fait un travail indispensable, une mine d'arguments pour tenter encore une fois de réveiller ces personnes qui ont lâché prise avec le monde réel. Si vous trouvez le temps, si vous acceptez de prendre un peu de temps, allez voir ce film. Presque surtout si vous avez encore des doutes et que, peut-être, vous pensez que tout ne doit pas être faux, qu'il y a un fond de vrai dans tout ça. C'est visible sur YouTube.

La science nous dit tout

En l'an 1022, le royaume de Francie est dirigé par Robert II le Pieux (wikipedia). Autrement dit, Robert II le Pieux régnait il y a pile-poil 1000 ans. Si je vous raconte ça, ce n'est pas pour étaler mon savoir. J'ignorais jusqu'à peu l'existence de ce Robert II et n'en vivais pas moins heureux. Il faut dire que ce roi est moins célèbre que d'autres.
Si je pense aujourd'hui à Robert II, c'est à cause du journal Sud-Ouest et d'un article publié par lui dans la rubrique « science et technologie ».

Ce que l'on nous dit aujourd'hui de nous, c'est que notre espèce aurait dans les 300000 ans ( homme de Djebel Irhoud, aujourd'hui au Maroc ). L'homme de Cro-Magnon, lui, est beaucoup plus proche de nous avec ses 28000 ans. A priori, de ce que j'en ai compris, il n'y a pas grand chose qui nous distingue de cet ancêtre. Il me semble donc permis de penser qu'il n'y a pas de raison pour que nous puissions nous croire très différents des hommes et femmes de l'époque de Robert II le Pieux, il y a mille ans.
Et c'est là que le journal Sud-Ouest, relayant un papier de "Ça m'intéresse" jette un pavé dans la mare en nous apprenant ce que notre espèce sera dans 1000 ans. Nous ne serons pas là pour le voir mais je suppose que nous pouvons faire confiance à ce qui est écrit. Selon ces articles, à cause de l'utilisation du téléphone portable, nous allons être profondément modifiés. Et moi, je dis que ça fait du bien d'approfondir son savoir en lisant des choses pareilles. Même si ça fait un peu peur, tout de même, pour dire la vérité. Une entreprise sérieuse et au-dessus de tout soupçon a planché sur cette question éminemment importante de savoir à quoi donc que l'être humain il ressemblera dans 1000 ans et ça fout la trouille. Je vous mets une image avec des légendes en langue anglaise.


Ces recherches scientifiques de haut vol ont conduit à la modélisation d'un être humain de 3022 et, ne me demandez pas pourquoi, c'est une femme, Mindy, qui est sortie de la boîte à réfléchir. Un cerveau rétréci, un cou massif, un dos courbé, des doigts crochus et un coude plié à 90°. Pouah ! Qu'elle est laide ! On ne veut pas devenir comme ça, quelle horreur ! Cessons d'utiliser nos smartphones et autres ordinateurs portables. Disons le tout net, c'est de la connerie monumentale. Lorsque j'ai découvert ce "papier" de merde, publié dans une rubrique « science et technologie », j'ai rigolé. Si jamais j'avais eu à écrire quelque chose à propos de cette prétendue étude, je l'aurais sans doute fait sur le ton de l'ironie, de la moquerie, de la dénonciation de la connerie en action.
Le problème, c'est que même si ça m'a amusé de lire ces conneries, ces mensonges, ces absurdités, ça m'a aussi beaucoup agacé. Je ne me fais plus aucune illusion sur le fait qu'un journal tel que Sud-Ouest ne cherche plus depuis longtemps à viser la qualité de l'information mais là, tout de même, ils y vont fort. Il faut reconnaître à la décharge du journal que l'article n'est qu'une resucée de celui de Ça m'intéresse qui n'est lui-même qu'une resucée de celui du Daily Mail.

Les cons, ça ose tout

Prétendre que d'ici 1000 ans nous utiliserons toujours les smartphones, et même à une échéance de dix ans, c'est osé. Prétendre que l'usage de ce smartphone va aussi radicalement modifier notre anatomie qu'il conduira à la soudure des os du coude, c'est du grand art. Supposer que, à cause des écrans une nouvelle paupière va faire son apparition pour protéger la rétine de la lumière bleue, c'est d'une part oublier que le ciel est globalement plutôt bleu depuis, disons, un certain temps et que, me semble-t-il, l'évolution ne se fait pas exactement de cette manière. Ce n'est pas parce que l'homme a un jour découvert qu'il était bien d'utiliser une cuillère pour manger son potage qu'une cuillère est apparu au bout de la main. Ce n'est pas parce que nous tenons quelque chose dans la main que nos doigts deviennent crochus pour tenir des objets. Je suppose que l'Homme comme toute la lignée qui l'a précédé depuis que la main est apparue, s'est servi de cet outil pour tenir des choses. Une branche par ci, un caillou par là, une banane ou un navet… La main n'a pas attendu l'apparition du smartphone pour devenir utile et être utilisée. Faut pas forcément prendre nos ancêtres pour des cons finis.
Pour Sud-Ouest, cette histoire est une opportunité de remplir ses pages avec de la matière qui ne coûte rien ou pas grand chose. Je peux comprendre la logique économique. Il doit y avoir quelqu'un ou quelqu'une au sein de la rédaction qui passe son temps sur twitter à l'affût de nouvelles sensationnelles susceptibles de faire le buzz et qui, en quelques minutes, pond un papier (de merde) pour pas cher.
D'accord, hier, à la date de parution de la chose, nous étions un jour férié. Le grouillot de service se devait de nourrir les pages du journal et il n'avait pas trop le cœur à ça. Le problème, c'est que récemment, sur France Inter, j'entendais une autre information scientifique à mon avis un poil plus intéressante qui causait de la possibilité de refaire marcher des paraplégiques. Ça n'aurait sans doute pas coûté des masses de pognons de faire un papier sur cette information qui, en plus, aurait eu le mérite de ne pas être de la merde en barre. Après, d'accord, on peut préférer la désinformation à l'information. C'est un choix, une ligne rédactionnelle comme une autre.


Je vous donne un lien pour la copie d'écran de l'article de Sud-Ouest (au cas où celui-ci ne serait plus accessible un jour prochain). Et surtout, n'oubliez pas de jeter votre portable le plus vite possible, avant qu'il soit trop tard !

Doute, croyance, pensée critique, complotisme…

Hier soir, j'ai regardé la première partie de "Fake-up", une vidéo documentaire de Clément Freze, artiste mentaliste proche la sphère zététique française. Ce documentaire se donne pour vocation de répondre à une autre vidéo, "Hold-up" de Pierre Barnérias, Nicolas Réoutsky et Christophe Cossé sorti en 2020 qui attaque la gestion de la pandémie de COVID-19 par les dirigeants mondiaux et particulièrement les dirigeants français. L'idée est qu'il y aurait eu une volonté de créer ce coronavirus pour supprimer une substantielle partie de la population mondiale. Je n'ai pas vu ce documentaire.

Cela fait quelques années que je m'intéresse à la zététique, au scepticisme, à la pensée critique, aux pseudo-sciences, aux croyances ésotériques et paranormales, au complotisme, aux mouvements sectaires, à la question des pseudo-médecines et à tout plein d'autres choses en lien avec la dénonciation de tout ce qui peut distordre la réalité pour vendre du rêve ou de la peur.

Ni le complotisme ni la croyance au surnaturel ne datent d'aujourd'hui mais il semble que Internet a permis une très grande facilité de propagation de ces idées, une très grande audience. Sur YouTube, il est très facile de trouver des vidéos propageant de véritables conneries. Il n'est peut-être pas si grave de croire aux extra-terrestres, de penser que la Terre est plate, que l'on peut entrer en contact avec les morts. Il en va autrement lorsque l'on s'aventure sur les terrains de la santé et des médecines alternatives, des théories du complot.
Croire au fantômes, que les pyramides égyptiennes sont d'origine extra-terrestres ou que l'on peut tordre des cuillères par la pensée, c'est une chose. Croire que l'on peut soigner son cancer avec des infusions, croire que des êtres venus d'une lointaine planète ont pris le pouvoir à l'échelle mondiale sur notre planète pour nous asservir, c'en est une autre. Si l'on peut rire des croyances ridicules, si l'on peut se moquer de la crédulité, si l'on peut s'amuser des bonnes blagues faites aux personnes trop naïves, on ne rigole plus vraiment lorsque la démarche a pour but de faire du fric en jouant sur la peur, sur l'ignorance, sur la vulnérabilité.

COVID-19

Au début, il y a eu l'annonce d'une maladie qui touchait les habitants d'un coin paumé en Chine. C'était loin, c'était des Chinois. Un jour, on a appris que des cas avaient été découverts en Italie. C'était moins loin. Je me souviens qu'à l'époque on nous a rassuré. On nous a raconté que l'Italie, ce n'était pas la France. Je me suis souvenu avoir pensé au nuage de Tchernobyl. Je me souviens de l'assez désastreuse communication gouvernementale et présidentielle. Je me souviens que la veille de l'annonce du confinement et du premier tour des élections municipales, Macron nous enjoignait à aller aux terrasses des cafés et au théâtre. Je me souviens des masques inutiles, des masques dont on ne manquait pas, des masques trop difficiles à mettre en place même pour une ministre. Je me souviens des attestations de sortie qu'il nous fallait remplir et valider nous-mêmes, des restrictions de mouvement, des contrôles, de l'interdiction de s'asseoir sur la plage. Je me souviens aussi de Raoult qui devenait une star, de l'hydroxychloroquine. Je me souviens du Conseil scientifique, du dénombrement des morts du jour, des cartes montrant la progression du virus sur le territoire. Je ne dis pas qu'un autre gouvernement, qu'un autre président de la République, auraient mieux fait mais je constate juste que j'ai le sentiment que l'on a pris le peuple français pour un ramassis de cons.
Je me souviens d'une soirée avec des copains, plus tard, au cours de laquelle j'ai été très déçu par une personne que je jugeait jusque là plutôt sensée qui avait commencé à tenir des propos particulièrement stupides au sujet de la vaccination qui allait conduire à une mort quasi certaine dans les mois à venir. Il étayait ses propos en se référant à tout un tas de vidéos qu'il regardait sur YouTube ou sur des réseaux sociaux. Et là, j'ai commencé à comprendre qu'il y avait un sérieux problème.
Une copine m'envoie un jour un mail pour me demander si j'étais d'accord pour m'occuper de la communication d'un réseau d'antivax. Il s'agissait de lutter contre l'obligation vaccinale et de promouvoir les propos de Raoult, de Montagnier ou de Perronne. Je lui réponds que non, vraiment pas. Je l'ai revue récemment. Elle est assez fière de ne toujours pas être vaccinée (pas plus que ses enfants) et, même si elle a développé un COVID, elle affirme qu'elle a réussi à se soigner avec de l'homéopathie et des tisanes.

Hold-up

Le documentaire complotiste est annoncé par la presse, dans les journaux, à la radio, à la télé. Si je ne le regarde pas, c'est en partie parce qu'il faut payer (d'après ce que j'ai compris). Ce film a été financé sur la plate-forme de financement participatif Ulule à hauteur de 182 970 euros. Depuis, je sais que l'on peut le trouver et le voir sans bourse délier mais je n'en ai pas l'envie.
Peu de temps après sa sortie officielle, les critiques commencent à pleuvoir autant que les applaudissements. J'apprends que Monique Pinçon-Charlot intervient dans le documentaire et j'en suis déçu. Elle déclarera par la suite avoir été manipulée et demandera le retrait des séances où elle apparaît. On estime que 12,5 millions de personnes ont vu Hold-up.
Si je n'ai pas vu le documentaire, j'ai vu et écouté des critiques. Cela me suffit pour me faire une idée sur la question.

Fake-up

Dans le petit monde de la zététique et de la pensée critique, on dit tout le mal qu'il faut penser du film. Clément Freze annonce qu'il travaille sur un film réponse, un film qui va revenir sur les propos et idées énoncés dans Hold-up pour les démonter un par un. Il a fallu attendre, il y a eu des reports de sortie, des retards, mais ça y est, Fake-up est visible sur YouTube. Clément Freze précise que ce film a été réalisé en partie sur ses fonds propres, qu'il n'a pas été fait sans difficultés.
Hier soir, donc, je le regarde. Comme je n'ai pas vu le film auquel il se réfère sans cesse, je dois forcément rater certaines choses. Cependant, dans les grandes lignes, je parviens à suivre et comprendre. Je regarde Fake-up (la première partie) et j'éteins l'ordinateur pour aller bouquiner avant de m'endormir.
La nuit passe et je me réveille avec des questions. Est-ce bien nécessaire ? Est-ce bien efficace ? Peut-on faire réfléchir les gens ? Peut-on les persuader qu'ils croient en des choses fausses ? Clément Freze fait ce qu'il peut pour expliquer, pour dénoncer les mensonges, pour rétablir les faits, pour montrer la vérité des faits. Peut-il convaincre des convaincus ? Je ne le sais pas.
Nous vivons une époque de propagande et de manipulation à une échelle sans doute jamais connue. Trump et Q-Anon aux États-Unis d'Amérique, Poutine en Russie. Où en sommes-nous, nous ? Bien sûr, les complots existent et ont existé. Bien sûr, on ne nous dit pas tout. Bien sûr les états utilisent les outils de propagande. Tout cela n'est pas nouveau. On peut manipuler les foules, les peuples, leur faire accepter l'inacceptable. Souvenons-nous du régime nazi, du drame du Rwanda, du stalinisme.
Douter, ça peut être salvateur. Ça peut aussi ne pas l'être. Pyrrhon prétendait qu'il ne fallait se fier à rien, pas plus aux sens qu'à la raison, rester dans un état de non-opinion à tous sujets. Le scepticisme scientifique, la démarche scientifique, demande des preuves. On ne peut pas seulement annoncer quelque chose. La vérité scientifique tient jusqu'à preuve du contraire. Elle n'est jamais arrêtée. On ne peut pas affirmer sans preuve. Cela vaut pour la science mais aussi pour la presse. Quoique dans ce domaine, la presse, il y a l'aspect financier qui peut pousser vers le sensationnalisme.
La science n'est pas exempte de défauts. Déjà, il y a des domaines variés et un expert d'un domaine ne comprendra peut-être pas les domaines de recherche autres. Un quidam tel que moi doit se replier vers la vulgarisation scientifique pour survoler les idées scientifiques. Cela ne fait pas de moi un scientifique. Il faut savoir reconnaître son incompréhension, savoir dire que l'on ne sait pas lorsque c'est le cas. Lorsque la science est si compliquée à comprendre et que l'on nous propose des vérités et des explications alternatives bien plus simples, bien sûr que l'on a tendance à aller voir ces dernières ! Là, on pige au moins ! Si le monde scientifique nous dit que, dans le fond, on ne sait pas grand chose de l'apparition du coronavirus à l'origine de la pandémie de COVID-19 et que, d'autres sources, avec aplomb, nous proposent des réponses claires et simples à base de complot mondial, bah, ma foi, au moins, eux, ils ont des explications à proposer. En plus elles ont tendance à aller dans le sens qui me plaît alors…
Taper sur Macron, sur ses ministres, sur les flics, sur les règles "liberticides", si on n'aime pas Macron, ça peut conduire à aller lorgner du côté des "complotistes". D'ailleurs, il y a des passerelles poreuses entre ces milieux clairement complotistes et la politique. Que ce soit à gauche ou à droite. La beauté de l'exercice est qu'il suffit de prendre ce qui va dans le sens que l'on veut, finalement. Sauf que la science, elle, elle n'est pas là pour découvrir ce qui peut nous plaire (ou si mais indirectement). Si la science trouve une molécule permettant de soigner telle maladie ou une loi physique permettant de construire tel équipement, au départ, elle ne travaille pas pour une application de ses découvertes. Ce que nous ne comprenons pas ou ne nous expliquons pas ne nous plaît pas. Si les religieux nous enseignent qu'un dieu ou une force a créé l'Univers d'une pichenette, du coup on comprend, on croit et on retourne biner ses carottes l'âme sereine. Il est plus simple de croire que de douter. Plus confortable.

En guise de conclusion

Que vous ayez vu ou pas Hold-up, allez voir Fake-up. Clément Freze explique clairement ce qu'il espère. Il fait le pari que vous sortirez de son documentaire plus intelligent, plus ouvert à une certaine forme de scepticisme, plus ouvert au doute, que vous réfléchirez plus.
Fake-up - Clément Freze

Haut de page