Cela fait quelques années que je m'intéresse à la zététique, au scepticisme, à la pensée critique, aux pseudo-sciences, aux croyances ésotériques et paranormales, au complotisme, aux mouvements sectaires, à la question des pseudo-médecines et à tout plein d'autres choses en lien avec la dénonciation de tout ce qui peut distordre la réalité pour vendre du rêve ou de la peur.
Ni le complotisme ni la croyance au surnaturel ne datent d'aujourd'hui mais il semble que Internet a permis une très grande facilité de propagation de ces idées, une très grande audience. Sur YouTube, il est très facile de trouver des vidéos propageant de véritables conneries. Il n'est peut-être pas si grave de croire aux extra-terrestres, de penser que la Terre est plate, que l'on peut entrer en contact avec les morts. Il en va autrement lorsque l'on s'aventure sur les terrains de la santé et des médecines alternatives, des théories du complot.
Croire au fantômes, que les pyramides égyptiennes sont d'origine extra-terrestres ou que l'on peut tordre des cuillères par la pensée, c'est une chose. Croire que l'on peut soigner son cancer avec des infusions, croire que des êtres venus d'une lointaine planète ont pris le pouvoir à l'échelle mondiale sur notre planète pour nous asservir, c'en est une autre. Si l'on peut rire des croyances ridicules, si l'on peut se moquer de la crédulité, si l'on peut s'amuser des bonnes blagues faites aux personnes trop naïves, on ne rigole plus vraiment lorsque la démarche a pour but de faire du fric en jouant sur la peur, sur l'ignorance, sur la vulnérabilité.
COVID-19
Au début, il y a eu l'annonce d'une maladie qui touchait les habitants d'un coin paumé en Chine. C'était loin, c'était des Chinois. Un jour, on a appris que des cas avaient été découverts en Italie. C'était moins loin. Je me souviens qu'à l'époque on nous a rassuré. On nous a raconté que l'Italie, ce n'était pas la France. Je me suis souvenu avoir pensé au nuage de Tchernobyl. Je me souviens de l'assez désastreuse communication gouvernementale et présidentielle. Je me souviens que la veille de l'annonce du confinement et du premier tour des élections municipales, Macron nous enjoignait à aller aux terrasses des cafés et au théâtre. Je me souviens des masques inutiles, des masques dont on ne manquait pas, des masques trop difficiles à mettre en place même pour une ministre. Je me souviens des attestations de sortie qu'il nous fallait remplir et valider nous-mêmes, des restrictions de mouvement, des contrôles, de l'interdiction de s'asseoir sur la plage. Je me souviens aussi de Raoult qui devenait une star, de l'hydroxychloroquine. Je me souviens du Conseil scientifique, du dénombrement des morts du jour, des cartes montrant la progression du virus sur le territoire. Je ne dis pas qu'un autre gouvernement, qu'un autre président de la République, auraient mieux fait mais je constate juste que j'ai le sentiment que l'on a pris le peuple français pour un ramassis de cons.
Je me souviens d'une soirée avec des copains, plus tard, au cours de laquelle j'ai été très déçu par une personne que je jugeait jusque là plutôt sensée qui avait commencé à tenir des propos particulièrement stupides au sujet de la vaccination qui allait conduire à une mort quasi certaine dans les mois à venir. Il étayait ses propos en se référant à tout un tas de vidéos qu'il regardait sur YouTube ou sur des réseaux sociaux. Et là, j'ai commencé à comprendre qu'il y avait un sérieux problème.
Une copine m'envoie un jour un mail pour me demander si j'étais d'accord pour m'occuper de la communication d'un réseau d'antivax. Il s'agissait de lutter contre l'obligation vaccinale et de promouvoir les propos de Raoult, de Montagnier ou de Perronne. Je lui réponds que non, vraiment pas. Je l'ai revue récemment. Elle est assez fière de ne toujours pas être vaccinée (pas plus que ses enfants) et, même si elle a développé un COVID, elle affirme qu'elle a réussi à se soigner avec de l'homéopathie et des tisanes.
Hold-up
Le documentaire complotiste est annoncé par la presse, dans les journaux, à la radio, à la télé. Si je ne le regarde pas, c'est en partie parce qu'il faut payer (d'après ce que j'ai compris). Ce film a été financé sur la plate-forme de financement participatif Ulule à hauteur de 182 970 euros. Depuis, je sais que l'on peut le trouver et le voir sans bourse délier mais je n'en ai pas l'envie.
Peu de temps après sa sortie officielle, les critiques commencent à pleuvoir autant que les applaudissements. J'apprends que Monique Pinçon-Charlot intervient dans le documentaire et j'en suis déçu. Elle déclarera par la suite avoir été manipulée et demandera le retrait des séances où elle apparaît. On estime que 12,5 millions de personnes ont vu Hold-up.
Si je n'ai pas vu le documentaire, j'ai vu et écouté des critiques. Cela me suffit pour me faire une idée sur la question.
Fake-up
Dans le petit monde de la zététique et de la pensée critique, on dit tout le mal qu'il faut penser du film. Clément Freze annonce qu'il travaille sur un film réponse, un film qui va revenir sur les propos et idées énoncés dans Hold-up pour les démonter un par un. Il a fallu attendre, il y a eu des reports de sortie, des retards, mais ça y est, Fake-up est visible sur YouTube. Clément Freze précise que ce film a été réalisé en partie sur ses fonds propres, qu'il n'a pas été fait sans difficultés.
Hier soir, donc, je le regarde. Comme je n'ai pas vu le film auquel il se réfère sans cesse, je dois forcément rater certaines choses. Cependant, dans les grandes lignes, je parviens à suivre et comprendre. Je regarde Fake-up (la première partie) et j'éteins l'ordinateur pour aller bouquiner avant de m'endormir.
La nuit passe et je me réveille avec des questions. Est-ce bien nécessaire ? Est-ce bien efficace ? Peut-on faire réfléchir les gens ? Peut-on les persuader qu'ils croient en des choses fausses ? Clément Freze fait ce qu'il peut pour expliquer, pour dénoncer les mensonges, pour rétablir les faits, pour montrer la vérité des faits. Peut-il convaincre des convaincus ? Je ne le sais pas.
Nous vivons une époque de propagande et de manipulation à une échelle sans doute jamais connue. Trump et Q-Anon aux États-Unis d'Amérique, Poutine en Russie. Où en sommes-nous, nous ? Bien sûr, les complots existent et ont existé. Bien sûr, on ne nous dit pas tout. Bien sûr les états utilisent les outils de propagande. Tout cela n'est pas nouveau. On peut manipuler les foules, les peuples, leur faire accepter l'inacceptable. Souvenons-nous du régime nazi, du drame du Rwanda, du stalinisme.
Douter, ça peut être salvateur. Ça peut aussi ne pas l'être. Pyrrhon prétendait qu'il ne fallait se fier à rien, pas plus aux sens qu'à la raison, rester dans un état de non-opinion à tous sujets. Le scepticisme scientifique, la démarche scientifique, demande des preuves. On ne peut pas seulement annoncer quelque chose. La vérité scientifique tient jusqu'à preuve du contraire. Elle n'est jamais arrêtée. On ne peut pas affirmer sans preuve. Cela vaut pour la science mais aussi pour la presse. Quoique dans ce domaine, la presse, il y a l'aspect financier qui peut pousser vers le sensationnalisme.
La science n'est pas exempte de défauts. Déjà, il y a des domaines variés et un expert d'un domaine ne comprendra peut-être pas les domaines de recherche autres. Un quidam tel que moi doit se replier vers la vulgarisation scientifique pour survoler les idées scientifiques. Cela ne fait pas de moi un scientifique. Il faut savoir reconnaître son incompréhension, savoir dire que l'on ne sait pas lorsque c'est le cas. Lorsque la science est si compliquée à comprendre et que l'on nous propose des vérités et des explications alternatives bien plus simples, bien sûr que l'on a tendance à aller voir ces dernières ! Là, on pige au moins ! Si le monde scientifique nous dit que, dans le fond, on ne sait pas grand chose de l'apparition du coronavirus à l'origine de la pandémie de COVID-19 et que, d'autres sources, avec aplomb, nous proposent des réponses claires et simples à base de complot mondial, bah, ma foi, au moins, eux, ils ont des explications à proposer. En plus elles ont tendance à aller dans le sens qui me plaît alors…
Taper sur Macron, sur ses ministres, sur les flics, sur les règles "liberticides", si on n'aime pas Macron, ça peut conduire à aller lorgner du côté des "complotistes". D'ailleurs, il y a des passerelles poreuses entre ces milieux clairement complotistes et la politique. Que ce soit à gauche ou à droite. La beauté de l'exercice est qu'il suffit de prendre ce qui va dans le sens que l'on veut, finalement. Sauf que la science, elle, elle n'est pas là pour découvrir ce qui peut nous plaire (ou si mais indirectement). Si la science trouve une molécule permettant de soigner telle maladie ou une loi physique permettant de construire tel équipement, au départ, elle ne travaille pas pour une application de ses découvertes. Ce que nous ne comprenons pas ou ne nous expliquons pas ne nous plaît pas. Si les religieux nous enseignent qu'un dieu ou une force a créé l'Univers d'une pichenette, du coup on comprend, on croit et on retourne biner ses carottes l'âme sereine. Il est plus simple de croire que de douter. Plus confortable.
En guise de conclusion
Que vous ayez vu ou pas Hold-up, allez voir Fake-up. Clément Freze explique clairement ce qu'il espère. Il fait le pari que vous sortirez de son documentaire plus intelligent, plus ouvert à une certaine forme de scepticisme, plus ouvert au doute, que vous réfléchirez plus.
Fake-up - Clément Freze
1 De Liaan -
Oulah, houlah...
Je lis rapidement le texte que nous écrit Michel.
Le "fameux doute m'habite", cher à Desproge.
Puis je vois cette image, avec le titre fake-up. Mais surtout les yeux de personnages avec France-Soir et C-News.
Sur le coup, je ne vois que ces inscriptions qui semblent être les sponsors de ce documentaire.
Après coup, je comprend ce qu'a voulu "l'affichiste" : montrer que les personnes dont on devine les visages ont les yeux emplis de ces France-soir et C-news, qu'ils ne regarderaient que ça.
À mon humble avis, la personne qui a réalisé ces illustrations a loupé son image publicitaire.
Il aurait été plus judicieux de mettre ces noms de médias à l'envers, que l'on comprenne bien que ce sont les personnage qui sont aveuglés par ces médias.
2 De Tournesol -
Sujet complexe ..S’il est plus facile de croire que de douter,plus confortable pour l’esprit,il faudrait revenir au sens premier de croire,pour calmer les abrutis qui veulent asséner leurs vérités.Croire s’oppose à savoir.Je sais qu’il pleut,c’est pas pareil que je crois qu’il va pleuvoir.Se méfier de ceux qui savent qu’il va pleuvoir…
En science,rien n’est certain et une idée n’est jamais vraie,elle est acceptée comme bonne quand elle permet de mieux comprendre ou mieux cerner un phénomène,quand elle est « opérante »
3 De Michel -
@Liaan : Ouais mais en fait il ne fait que reprendre l'affiche de Hold-up en la détournant un peu.
@Tournesol : Je vous crois. Croire, en latin, voulait dire "donner sa confiance". Dans ce sens, ça ne me choque pas. Je crois que la Terre est ronde mais au fond, je ne le sais pas au sens d'un savoir scientifique qui me permettrait de le prouver. Je crois celles et ceux qui bossent sur la physique quantique mais je n'y pige que dalle. Je ne sais pas la physique quantique.
4 De Marcelle Bleusteine-Blanchette -
C'est tout un art que de réaliser une simple image de ce que l'on veut faire comprendre.
Il faut que d'un coup d'œil, on voit de quoi il s'agit.
Ici, le point positif, c'est que l'on s'interroge sur cette annonce.
Si j'avais connu Internet, vous en auriez bouffé du truc inutile, mais complétement indispensable.
Mais je vois que, plus tard, beaucoup ont suivi mes préceptes. C'est très bien.
5 De fifi -
1 h 33 et des brouettes, ça va faire tard, mais je me suis mis cela de côté pour plus 1 d'C 4 . Un jour où il pleuvra.
Pour la météo, je suis comme les chiens : quand j'ai le nœud qui put, c'est signe d'eau.
Pour la croyance, ben, j'crois bien qu'on nous raconte des conneries, enfin, j'dis ça, lorsqu'on nous apprend qu'un gus dans le désert vous change l'eau en vin, comment voulez-vous qu'il ne soit pas suivi par des milliers de personnes, qui eux, ont sans doute bouffé du pain de seigle ergoté.
6 De Jeannot lou Paysan -
St Thomas réduisait le champ de ses connaissances à ce qu'il avait vu. Y paraît.
Moi, je ne crois pas qu'il va pleuvoir,
Je voudrais qu'il pleuve. Du coup, dois-je croire pour autant celui qui me promet la pluie, parce que ça m'arrangerait? Et du coup lui apporter mon soutien, mon crédit, par un bulletin, un like?
Si il travaille à Météo France, peut-être, et encore...
7 De Théo Fraste-Rainaudeau -
Il faut croire ce qu'il y a dans le journal.
Si c'est imprimé, c'est que ça doit être vrai.
Bon, faut pas tout gober non plus.
La météo, on peut la lire, c'est à peu près correct.
Encore que.
- Bon, alors, la date du journal serait une information exacte ?
Pas sûr. Nous sommes toujours à la merci d'une faute de frappe.
8 De Tournesol -
« on l’a imprimé et pourtant c’est exact « Raymond Roussel in « le locus solus «
Bah,je ne crois celui qui me dit qu’il pleuvra que quand il pleut…Après,pour vivre en société il faut accepter certains consensus…qui ne sont pas « vrais « mais utiles pour éviter le ridicule ou l’hostilité de nos contemporains…la façon de se vêtir par exemple ou les heures de tonte du jardinet en ville..
Si on a besoin pour son confort d’avoir un idéal,se fier à ceux qui entretiennent ce besoin,et dans cette catégorie à ceux qui ont un idéal que l’on trouve joli est un Must,mais n’est qu’une vérité de chapelle comme le rappelle Brassens « or s’il est une chose amère,désolante,en rendant l’âme à Dieu c’est bien de constater
Qu’on a fait fausse route,qu’on s’est trompé d’idée
Mourons pour des idées d’accord - mais de mot lente «
Quand aux vérités scientifiques,comme le rappelle Michel,elles sont faites pour être dépassées !
9 De Sax/Cat -
Il y a quelques années que je n'ai pas mis les pieds dans les milieux zététiciens de la toile. Trop de vaines discussions hélas qui ne convainquent personne.
Anecdote véridique :
Il y a quelques temps, je me suis retrouvé affublé de vilaines taches rouges agrémentées de cloques, bref un VZV qui s'est réveillé après 55 ans d'hibernation.
J'en parle à ma sœur au cours d'une discussion à propos de tout autre chose. Elle me propose aussitôt de me donner le numéro de téléphone d'un gars très bien qui fait passer ça par téléphone, il suffit de lui donner son prénom et sa date de naissance, et de lui faire parvenir quelques euros comme nourriture spirituelle.
Je lui ai juste répondu que mon mage à moi s'appelle Valaciclovir et qu'il est remboursé par la sécu.
(ai-je besoin de préciser que ma sœur n'est pas vaccinée contre la COVID-19 ?)
10 De Sax/Cat -
Sinon le pire c'est les "faux sceptiques", ceux qui demandent de prouver que la Terre n'est pas plate, qui sont persuadés que les américains n'ont pas été sur la Lune ...
11 De Sax/Cat -
Les "faux sceptiques" existent bien sûr en version féminine
12 De Tournesol -
De mort lente,bien sûr…
13 De Tournesol -
Sax /Cat : demandez aux faux septiques de vous payer un yatch et un séjour en bord de mer.Là, à l’instar des anciens grecs,vous leur démontrerez que, puisque la coque de votre bateau disparaîtra à leur vue avant le mat,cela implique une courbure de l’horizon…
14 De Michel -
@Tournesol : Ou qu'il est en train de couler. Ne jamais éviter les solutions les plus simples.
15 De Tournesol -
Michel : ah,j’avais oublié cette éventualité.Bah,l’important est de disparaître aux yeux des imbéciles,avec le bateau…
L’histoire du Hodja,que je fais courte : le Hodja sort du palais du sultan avec un âne et deux sacs de mille pièces d’or.Un ami lui demande d’où lui vient cette bonne fortune : il répond: j’ai dit au sultan que d’ici dix ans j’aurais appris à son âne à parler,mais que ça lui coûterait deux sacs d’or.Il m’a donné son âne et les deux sacs.Si l’âne ne parle pas dans dix ans,il me coupera la tête.
L’ami s’écrie : tu es fou,les ânes ne parlent pas !
Oui,mais dans dix ans,l’âne sera mort,ou moi,ou le sultan..en attendant j’ai l’âne et l’or…
16 De Jeannot lou Paysan -
Ce Sultan m'a tout l'air d'être bien naïf. Que n'a t'il demandé un droit de regard sur les travaux qu'il finance? Aujourd'hui, à part avec l'argent public, plus personne ne se conduit aussi légèrement.
17 De fifi -
1h 33' 53 " ça fait mal à la tête, mais j'ai bien aimé :
" L'asymétrie de la connerie "
d' Alberto Brandolini ",
par contre, je suis toujours pour un con pelotage ;-)))