Indian a été le plus important fabricant de motocyclettes des États-Unis d'Amérique pendant plusieurs décennies. Son obstination à vouloir conserver des solutions techniques obsolètes ont pu précipiter sa chute. Au début des années 50, la marque est au plus mal. Elle est rachetée, revendue, finit par produire un peu de tout et de n'importe quoi, apposant sa marque sur des cyclomoteurs italiens ou taïwanais (sous licence Honda).
Il faut attendre la fin des années 90 pour qu'une énième tentative de résurrection apparaisse comme un peu sérieuse. Dans un premier temps, on conçoit une motocyclette équipée d'un moteur S&S mais il faut attendre les années 2010 pour que, sous l'égide de Polaris qui détient déjà la marque Victory, Indian renaisse réellement.
Mon point de vue sur ces nouvelles machines est que Indian a beaucoup trop joué sur le côté rétro en allant jusqu'à maquiller son moteur en bon vieux moteur à soupapes latérales. Alors, je comprends que tout cela puisse plaire. L'ensemble qui vise à concurrencer frontalement Harley-Davidson adopte des solutions bien plus modernes. Les performances sont meilleures, la fiabilité peut-être aussi. Cependant, je n'aime pas ces nouvelles Indian. C'est un point de vue personnel.
A Marsac-sur-l'Isle, il y avait une belle machine qui doit dater de quelque part entre la fin des années 10 et le début des années 20 du siècle précédent. Elle était accompagnée d'un side-car et l'ensemble était à vendre 35000 euros. Le moteur est le célèbre Powerplus. Un bel attelage qui doit mériter le prix demandé.
La marque Excelsior a été la troisième marque, en importance, des États-Unis d'Amérique derrière Indian et Harley-Davidson. Née à Chicago en 1907, la marque est rachetée en 1912 par Schwinn, célèbre fabricant de vélos. En 1917, alors que le USA entrent en guerre, Excelsior rachète Henderson, autre grand fabricant de motocyclettes. Henderson sera revendue à Indian en 1927 et Excelsior fermera ses portes en 1931 en raison de la crise de 1929.
En France, on connaît bien plus Indian et Harley-Davidson que ces deux grandes marques et il n'est pas courant de croiser une si belle Excelsior des années 1910.
C'est une motocyclette qui se veut rustique (entendre solide et facile d'entretien). Mue par un monocylindre culbuté d'un demi-litre[1], elle n'est pas conçue pour battre les records de vitesse. Endurante et confortable, elle assure des trajets plus ou moins longs à une vitesse raisonnable. Son moteur à longue course privilégie le couple à la puissance. Ce moteur a été utilisé pour des tricycles utilitaires en Italie, son pays d'origine. Si la conception est ancienne elle est éprouvée.
On n'en voit pas souvent en France et c'est donc tout à fait naturel que je me sois arrêté pour photographier ce bel exemplaire.
Note
[1] mesure équivalent à la moitié d'un litre ou à cinq-cents centimètres cubes. Dans le langage courant, s'emploie généralement dans l'expression je boirai bien un demi-litre de vodka voire deux.
Anatole Ondulé a des principes et des cas de conscience. Par exemple, il estime qu'il n'est pas bon pour la planète d'utiliser un véhicule qui ne peut pas accueillir au moins dix passagers ou de l'utiliser dans le but égoïste de prendre du plaisir. Il est contre ce que l'on pourrait appeler l'onanisme des transports. Pour autant, Anatole considère, toujours dans cette idée louable de protéger la planète, qu'en utilisant un deux-roues, on use moins de pneumatiques et que l'on libère moins de particules de matières caoutchoutées dans l'environnement.
Il a beaucoup réfléchi, Anatole. Il s'est creusé la tête, il a pesé le pour et le contre et il a déduit de tout ce travail intellectuel que le meilleur (et peut-être le seul) bon moyen de concilier la circulation à motocyclette et l'utilité de cette pratique, en omettant l'idée stupide d'offrir 9 places assises sur un véhicule peu adapté, est de lui donner une fonction très utilitaire. C'est ainsi qu'il parcourt la région et ses environs plus ou moins lointains au guidon de sa motocyclette de livraison à domicile de produits divers et multiples.
Nous saluons Anatole pour son entreprise qui rend bien des services et l'encourageons dans sa démarche positive.
Lorsqu'Étienne Toudroat a une idée dans la tête… Toutes les personnes à qui il a présenté son idée de motocyclette sans système de direction particulier ont tenté de le dissuader de poursuivre son entreprise vouée à l'échec. Échec commercial à coup sûr mais échec routier également. Comment diable peut-on imaginer qu'une motocyclette incapable de négocier le moindre virage quelque peu prononcé puisse connaître le succès dans un pays où l'on ne compte plus les tournants et courbes tant vers la gauche que vers la droite ? Pourtant, têtu comme une tasse en porcelaine, Étienne passe tout son temps libre dans son atelier qu'il encombre de morceaux de ferraille récupérés çà et là au petit bonheur la chance. Ça tape, ça visse, ça soude, ça assemble tant et si bien qu'au bout de trois mois, la machine est prête pour les premiers essais routiers.
De l'avis général, c'est là une jolie motocyclette qui a pour principal mérite de sortir de l'ordinaire et de ne pas laisser de marbre celles et ceux qui la voient. Si quelques propos critiques se font encore entendre, tout le monde est impatient de voir Étienne procéder aux premiers essais en situation. On a sorti les appareils photo et on attend que l'engin s'encastre dans le premier mur venu ou qu'il gratifie le public d'une splendide sortie de route comme on en voit malheureusement bien rarement.
Et c'est en cela que l'on voit l'étroitesse d'esprit et la méchanceté humaines.
Je ne cherche pas à m'excuser mais simplement à m'expliquer. Il est arrivé que je suis tombé sur un pinceau oublié. J'ai dû l'acheter il y a longtemps, peut-être l'utiliser, et enfin le mettre de côté et l'oublier. Allez savoir pourquoi et comment, je l'ai redécouvert et je me suis mis en tête de l'essayer. J'ai tracé un dessin et je me disais en le. faisant qu'il était tout de même bien horrible et mal foutu. La sagesse aurait conduit à ce que j'arrêtasse illico cet exercice coupable et que je retourne me coucher avec l'espoir d'oublier toute trace de ce méfait. Au pire, j'aurais pu ou dû ouvrir une bouteille d'alcool fort et m'abrutir afin de garantir l'oubli souhaité.
Mais voyez comme je suis dénué d'intelligence et de volonté, je n'en fis rien. Au contraire, mû par une force mauvaise, je persistais et m'enferrais. J'allais boire la honte et le déshonneur jusqu'à la lie, aller de l'avant en bravant les réprobations qui n'allaient pas manquer, perdre les quelques crédits que je pouvais encore avoir auprès de la communauté des dessinateurs très tolérants et prêts à accorder leur pardon à mes productions qui déshonorent une profession respectable. Je ne pourrai pas accuser une soudaine maladie qui aurait été à l'origine de mon manque de discernement. J'étais conscient de mes actes, j'en suis responsable, je suis coupable de cela.
Dans ce désir pressant d'essayer ce pinceau, à la manière d'un pauvre hère possédé par un démon ensorceleur, je perdais tout sens commun et, je vous dois de l'avouer, alors que je voyais le désastre surgir sous la mine, je ricanais. Oui, j'avais ce rictus qui déforme les faces pourtant déjà ingrates en un amas de chairs flasques encore plus abominables et effroyables. J'en bavais de plaisir malsain, j'avais du plaisir à saccager ainsi une feuille de papier qui n'avait jamais pu imaginer se rendre complice d'une pareille exaction graphique. Un ultime sursaut me commanda de me saisir enfin de ce pinceau et de le plonger rageusement dans le flacon d'encre de chine. Les yeux révulsés et alors que je sentais une froide sueur courir le long de mon échine, je repassais ce tracé repoussant à la pointe de ce foutu pinceau que je ne parvenais pas à lâcher. J'étais possédé, j'étais sous influence, le Vaudou avait pris possession tant de mon corps que de mon esprit. Je pensais à Donald Trump et je rêvais que la France trouve un maître semblable à lui, je psalmodiait des incantations sataniques, j'avalais des saucisses véganes crues, j'implorais la mansuétude d'Emmanuel Macron, je conspuais les idoles qu'hier je vénérais encore, je m'engageais à lire l'intégrale du Marquis de Sade réécrite pasr Enid Blyton, à écouter le Boléro de Ravel à l'envers, à boire mon urine, à aller tracer des signes diaboliques dans les églises. J'étais devenu l'incarnation vivante du Malin, un être mauvais, méchant, cruel. Et puis, je me suis évanoui.
Trois jours après, je me réveillai nu au milieu d'un bois. J'étais frigorifié et je ne me souvenais de rien. Je me demandai alors ce que je faisais là. Il est de notoriété publique que l'on ne me voit pas souvent dans les bois et encore moins nu. Un brouillard épais et bienvenu me permit de rejoindre mon domicile sans que quiconque puisse me voir. Épuisé, je ramassais mes hardes et m'habillait. Je me fis du café. Sur la table où je posai mon bol, j'aperçus ce dessin. Je réprimai un reflux gastrique et un cri d'effroi.
Depuis, j'ai consulté un célèbre exorciste et ça va un peu mieux. Je suis encore un peu faible, je sursaute au moindre bruit, j'ai peur d'un peu tout. Pour finir l'exorcisme, il m'a été indiqué qu'il me fallait terminer le dessin, le mettre en couleur et le poster sur mon blog. Alors, et ce n'est pas gentil, une des personnes qui le verra apparaître sur son écran sera à son tour possédé et moi, je serai libéré de mes tourments.
Lorsque Elmund Grasper évoque son premier premier essai de la "motocyclette" présentée en illustration d'époque, il enrage encore malgré les décennies qui l'éloignent de ce douloureux épisode. Depuis son lit d'hôpital d'où il nous accorde cet entretien, le corps encore endolori, il ne peut réfréner les mots les plus désobligeants à l'endroit de l'ingénieur-inventeur de cette machine "diabolique". Beaucoup trop puissante, dépourvue de tout système de freinage, manifestement instable et imprévisible, la 1200 ZÖGGLANTZ[1] n'était pas au point et notre essayeur s'en est vite rendu compte. Aussi, aurait-il dû mieux s'équiper et appréhender l'exercice avec plus de circonspection. Notamment, il aurait été bien avisé de porter un casque et d'éviter de tourner la poignée d'accélérateur avec prudence.
Cet engin n'a pas atteint le stade de la commercialisation et nous ne pouvons que regretter que les solutions techniques novatrices mises en œuvre n'aient pas connu de suite. Parmi les avantages indéniables de cette "motocyclette" inhabituelle par rapport à celles que l'on rencontre, aujourd'hui encore, sur nos routes, on note la suppression des problèmes liés aux pneumatiques, à leur usure et à leur pression de gonflage, mais aussi la résolution de toutes les questions insolubles inhérentes aux masses non suspendues.
Il est à noter que le moteur trois cylindres en vrac à soupapes semi-commandées a été utilisé par la suite pour un prototype de tondeuse à gazon qui a occasionné quelques frayeurs au voisinage de notre inventeur de génie. Après que la justice a ordonné la destruction de ce moteur [2], l'inventeur est tombé dans une profonde dépression et a changé d'orientation professionnelle. Il est aujourd'hui coiffeur et rechigne à nous parler de cet épisode de sa vie d'avant.
Or, il arriva que le motocycliste lambda réclamât un peu plus de confort. Eugène-Karl Foulouizissaxe ne fit pas la sourde oreille et prit d'assaut la table à dessin pour réaliser la motocyclette qui rendrait heureux les utilisateurs de son engin quelque peu hors du commun.
Ce que l'on peut reprocher à la motocyclette, c'est bien que l'on doive l'enfourcher et la chevaucher comme on le ferait d'un bête équidé, en plus de se mouiller lorsqu'il vient à pleuvoir ou, encore, que l'on se casse assez souvent la gueule avec.
Tout en conservant, pour des raisons bassement administratives, le principe du deux-roues motorisé, il se permet de concevoir le sien avec une roue avant motrice tant il est persuadé qu'il est toujours préférable d'être tiré en avant que d'être poussé par derrière. Pour le confort, il installe un moelleux fauteuil et se débarrasse de cette ignominieux guidon qu'il remplace avantageusement par deux leviers bien placés à portée de mains, l'un à gauche, l'autre à droite. Le concept est novateur, il ne peut que conquérir les cœurs !
On voit sur l'illustration fournie par la famille de notre glorieux inventeur les premiers essais sur route ouverte. Il est des réglages qui restent à peaufiner mais la machine d'Eugène-Karl fonctionne à merveille. Il est saisi au moment où, chevauchant sa motocyclette sur les chemins du samedi soir, il va épater les jeunes gens venus assister au concert des Dérapeurs de roupettes, un groupe très local à qui ont on promet un brillant avenir.
Au mitan des années 70, déçu par les propositions des constructeurs de motocyclettes hexagonaux, rageant de ne pas trouver une machine répondant à ses attentes, Séraphin Schörbl' se lance dans l'aventure de la création d'une manufacture de motos françaises innovantes et performantes. Les premiers prototypes finalisés, il commence la production de quelques exemplaires de sa Schörbl' 01 et fait paraître un encart publicitaires dans les revues spécialisées consacrées à la moto sportive de qualité supérieure.
Hélas ! L'aventure prend rapidement fin après que Séraphin a constaté que le carnet de commandes reste désespérément vierge. Seules deux Schörbl' 01 sortirent de l'atelier, une qui servit quelque temps à Séraphin, l'autre pour aller chez le ferrailleur qui s'occupa de la recycler pour produire de belles boîtes de conserve.
Si l'on devait s'en tenir à la vérité il nous faudrait nommer notre grand reporter par son vrai prénom mais celui-ci préfère que l'on utilise cet autre prénom qu'il a choisi pour son étymologie grecque qui le définit si bien. Nous l'appellerons donc Grégoire.
Grégoire, donc, est grand photo-reporter pour le petit quotidien de Bazels-sur-Vourre qui peine à écouler son tirage de 100 exemplaires. Chaque jour de l'année, il enfourche sa terrible machine pour couvrir les événements qui ne manque pas de survenir dans la petite commune. S'il est sans doute le meilleur photographe du journal (il en est aussi l'unique), il peut se targuer d'avoir ce que l'on appelle une « belle plume » et de maîtriser à la perfection et ceci presque sans fautes d'orthographe la langue française. Du reste, les quelques lecteurs de ses papiers ne manquent pas de le féliciter.
Ce matin là, Grégoire est "sur le coup" d'une grosse affaire. Au petit matin, le père Jobard a renversé la remorque de son tracteur en plein centre-bourg et le chargement est allé jusque dans les locaux de la charcuterie Jobard et fils. Comme tous les Jobard de la commune, tous de la même famille à un degré ou à un autre. Et ce n'est pas un hasard si Grégoire est le cousin de Lucien Jobard, le célèbre charcutier de Bazels-sur-Vourre réputé pour sa terrine au cochon et aux herbes du jardin.
Sur la place de l'église, Bernard Jobard et Lucienne Jobard, respectivement maire et adjointe au maire de la belle commune de Bazels-sur-Vourre et frère et sœur l'un de l'autre et inversement, sont déjà sur les lieux. Déjà, les badauds se réunissent et donnent leur point de vue sur la meilleure façon de sortir par le haut de cet état de crise qui ne manquerait pas de perturber la circulation si jamais quelqu'un d'étranger à la commune venait à s'aventurer là.
Madeleine Jobard, après avoir salué Henri Jobard, son demi-frère par alliance, pressa la pas en claudiquant pour prendre dans ses bras sa cousine germaine Germaine effondrée de voir tant de malheur de telle sorte que l' « on en avait pas vu de semblable depuis la dernière guerre ». Baptiste, le fils aîné de son père Jobard grimpe sur le tas de betteraves à vache et s'acharne à jeter les tubercules dans la remorque renversée sans comprendre que sa tâche désespérée est vouée à l'échec. La tension est palpable.
D'un coup, le ronflement de la motocyclette se fait entendre et pour tous, c'est bien le signe que Grégoire va bientôt arriver. Tout un chacun s'arrange pour la photo qui sera dans une prochaine édition spéciale du journal local. En moins de cinq minutes, le reporter est déjà là et réalise quelques photographies dont il a le secret. Après que tout cela a été consigné sur la pellicule, le maire, sa sœur, ses cousines, cousins, tantes et oncles, enfants et ancêtres se dirigent vers la salle communale où vont être servies quelques boissons réconfortantes et désaltérantes.
Après ces libations, il est décidé que l'on laissera là les betteraves fourragères et que l'on mènera vaches et cochons sur place pour qu'ils se régalent. Et comme on le dit souvent à Razels-sur-Vourre : Tout est bien qui finit bien !