Des EPR partout

L'idée n'est pas de dénigrer le projet et pas plus de le promouvoir. Toutefois, pour des non spécialistes comme moi, il est difficile de ne pas douter de la technologie et de la capacité de la France à porter le projet. J'ai conscience que la réalisation d'un réacteur de type EPR ne doit pas être chose aisée et qu'il y a un aspect "expérimental" dans cette affaire. D'un côté, il y a la promesse de réacteurs plus puissants et plus sécurisés, de l'autre, il y a la vraie vie, les aléas et la malchance.

Le nucléaire est un sujet sensible et si on n'y pense vraiment qu'en cas d'accident ou à l'occasion de l'évocation de la bombe atomique, ça reste une question qui partage l'opinion publique. Au quotidien, nous sommes globalement contents d'avoir de l'électricité et on l'utilise sans trop se poser de questions. Cependant, on se sait confronté, aujourd'hui et demain encore plus, à la nécessité de produire toujours plus d'électricité.
L'opinion publique ne veut plus aujourd'hui d'électricité produite en utilisant des carburants fossiles et les "énergies vertes" paraissent bien plus acceptables et propres. Seulement, ces énergies non polluantes, si elles ont des bons côtés, peinent aujourd'hui à fournir toute l'électricité nécessaires. Alors, l'option du nucléaire est une solution. Oui, il y a le risque d'accident que l'on ne peut jamais écarter totalement, oui, il y a les arguments des opposants au nucléaire. Seulement, nous ne sommes pas tous prêts à diminuer notre consommation d'électricité.

Pour le chantier de l'EPR de Flamanville qui devrait entrer en activité vers le milieu de 2024, il y a une accumulation de problèmes et on ne peut pas croire qu'un sort aurait été lancé contre ce nouveau réacteur. Ça commence dès 2007 avec du béton qui se fissure. A l'époque, on nous rassure en disant que ce sont des choses qui arrivent lorsque l'on fait de grandes dalles en béton. Bon, d'accord. On comble les fissures avec de la résine injectée sous pression. Peu de temps après, on remarque que, en fait, il y a aussi un problème de ferraillage de ce béton pour la partie destinée à supporter la partie la plus sensible du réacteur. Ça craint un peu.
En 2008, ce sont des défauts de soudure de l'enveloppe métallique de la cuve de confinement (structure importante en cas d'accident). On radiographie les soudures, on corrige ce qu'il faut et le chantier peut redémarrer. En 2015, il y a le fameux épisodes des défauts de qualité de l'acier du couvercle du réacteur. Mais l'ASN[1] donne son autorisation pour continuer la construction de l'EPR en 2017 en notant que le couvercle sera à changer avant 2024. Nous y sommes, non ?
En 2017, le budget prévisionnel passe de 3,4 milliards d'euros à… 10,9 milliards d'euros. De nouveaux problèmes de soudure apparaissent. On prévoit le lancement de l'EPR pas avant 2022. De son côté, l'ASN déclare : « ne peut plus être considérée comme hautement improbable » en incriminant EDF qui n'aurait pas suffisamment contrôlé les sous-traitants. On intervient sur les soudures de la tuyauterie et on en profite pour faire passer le coût de l'EPR à 13,2 milliards d'euros. Un lancement pour 2024 est toujours d'actualité.
Je vous fais grâce des nouveaux problèmes de soudures qui apparaissent, du report d'opérations importantes et de l'envolée des coûts. La Cour des comptes évalue en 2020 le coût global à 19,1 milliards d'euros.

Et tout ça pour dire que l'on peut comprendre et entendre que la réalisation d'un projet tel que cet EPR a un côté expérimental et que l'on ne peut pas tout prévoir et qu'il est normal de rencontrer des problèmes et qu'il y ait des surcoûts, des surprises. Mais entendre Macron annoncer la construction de plein de petits EPR alors que celui de Flamanville n'est même pas en activité, ça m'agace.

EPR, on en est où ?
Bientôt plein d'EPR partout !

Note

[1] Agence de Sécurité Nucléaire

Ajouter un rétrolien

URL de rétrolien : https://blog.michel-loiseau.fr/index.php?trackback/631

Haut de page