Les Français pris en otage

Les journalistes ont mouillé la chemise et sont allés à la rencontre des Français désemparés face à la pénurie de carburants. Bravant le vent, la pluie et les postillons, ils ont tendu leur micro aux automobilistes en colère. Ce journalisme de terrain là, c'est ce que l'on appelle du micro-trottoir. Ce journalisme là n'est pas loin de ce que l'on peut produire de moins pertinent en terme de journalisme.

Il est bien entendu que la "pénurie" de carburant touche en priorité celles et ceux qui cherchent à se déplacer avec un véhicule à moteur thermique. Les possesseurs de véhicule électrique, les usagers du train ou du métro, les citadins qui se déplacent à vélo ou à pied ne sont pas directement concernés ou ennuyés par les mouvements de grève. Ou du moins pourraient-ils l'être d'une manière indirecte si l'approvisionnement des magasins venait à ne plus être possible.
De même, il est évident que celles et ceux qui sont interrogés dans les queues formées aux pompes à carburant sont celles et ceux qui possèdent et utilisent des véhicules utilisant les carburants qui ne sortent plus des raffineries. Il faudrait être vilainement tordu pour faire la queue alors que l'on n'a nul besoin de ces carburants.
Le journaliste qui cherche à enrichir son reportage de témoignages pertinents va donc, pour peu qu'il ait bien circonscrit son domaine de chasse, trouver sans mal des personnes heureuses d'avoir la chance de donner leur opinion à la face du monde. Pour peu, ce serait étonnant, qu'une de ces personnes en vienne à déclarer qu'elle adore faire la queue aux pompes à carburant et que, pour elle, c'est un vrai bonheur que de trouver une station service avec une si belle queue (il est des perversions qui m'épatent), le journaliste n'aura qu'à écarter ce témoignage.
Parce que l'un des problème du micro-trottoir, c'est bien la sélection des témoignages les plus outrés, les plus en accord avec ce que l'on cherche à faire dire à la population. C'est du journalisme dirigé. Une fois le témoignage diffusé, c'est l'effet boule de neige. Le bon peuple peut légitimement qu'il penser tout comme ce qui a été dit à la radio, à la télé, dans les journaux ou sur Internet et que, effectivement, y en a marre, ras-le-bol, plein le cul, d'être continuellement pris en otage par les syndicats qui ne se rendent pas compte qu'ils bloquent le pays et son économie.
Le micro-trottoir, c'est du populisme. Pour cette affaire de grève dans les raffineries, la place laissée à l'explication de ces mouvements de grève est maigre. Je me demande s'il est vraiment utile d'avoir l'avis des automobilistes qui chouinent de ne pas trouver de carburant pour savoir que mon automobile ne fonctionnera plus très bien sans ce carburant. Par contre, je ne me questionne absolument pas quant à l'inutilité de savoir que le gouvernement menace d'avoir recours à la réquisition du personnel des raffineries bloquées. Ce gouvernement d'exception pousse à montrer les méchants grévistes comme de dangereux irresponsables qu'il convient d'haïr toute affaire cessante. Seul le gouvernement peut permettre aux automobilistes de rouler et d'aller au travail, faire ses courses ou se promener. Il faut que ça se sache.

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