Trou-du-cul en Périgord noir

Dans le département de la Dordogne, on s'amuse un peu trop à mon sens avec la notion de Périgord. Avant la départementalisation de 1790, le territoire était divisé en provinces. Le département de la Dordogne, s'il s'inscrit peu ou prou dans les limites du Périgord d'alors, empiète sur l'Angoumois, la Saintonge, le Quercy et le Limousin. Cela ne fait aucun doute dès que l'on s'aventure aux alentours des limites administratives, en particulier dans l'architecture que l'on rencontre. Et cela est normal. La Dordogne n'est pas une île et il y a forcément un glissement de traditions et de méthodes. Il n'y a pas de cassure nette. Si l'on n'y prend pas garde, on peut très bien se retrouver en Charente, en Charente-maritime, en Gironde, en Lot-et-Garonne, en Lot, en Corrèze ou en Haute-Vienne sans que rien ne vienne vous avertir du fait.
A l'origine, le Périgord noir est attaché au Sarladais. C'est réellement au début des années 90 qu'apparaissent les quatre couleurs des Périgords. Le blanc pour une zone s'étirant de la Gironde et des Charentes et englobant une partie des bassins de l'Isle et de l'Auvézère ; le vert pour le nord du département proche de l'est de la Charente, le sud de la Haute-Vienne et l'ouest de la Corrèze ; le pourpre pour le Bergeracois, au nord du Lot-et-Garonne et l'est de la Gironde et enfin, le noir pour un gros quart sud-est du département. Cette division artificielle n'est créée que pour des raisons touristiques et n'a pas grand sens hormis, peut-être, pour le Périgord pourpre qui peut faire songer à la production de vin.
Il est un fait, c'est que le touriste visite bien plus le Périgord noir que les autres Périgords. Et on le comprend, et on ne peut pas lui en vouloir. Je ne veux pas dire qu'il n'y a rien à voir ailleurs. Périgueux est digne d'intérêt, il existe de beaux paysages dans le Périgord vert, quelques beaux châteaux aussi, le Bergeracois recèle lui aussi de beaux coins à découvrir. Mais face à la vallée de la Vézère (disons en dessous de Montignac) la vallée de la Dordogne, Sarlat, la multitude de villages magnifiques, de châteaux, de grottes, de paysages superbes, aucun Périgord n'est de taille à lutter contre sa majesté le Périgord noir.
Dès lors, l'idée a germé dans la tête de certains décideurs d'entrer dans le Périgord Noir. Si on peut admettre que Terrasson en face fasse partie, que Condat, Aubas ou la Bachellerie (voire Azerat) soient bien par certains aspects du Périgord Noir, c'est plus compliqué pour des communes comme Villac ou Thenon. Et il y a le cas de Hautefort, connu pour son château. On s'est dit que, tout de même, si on mettait Hautefort en Périgord noir, ça ferait venir encore un peu plus de touristes. Et ma foi, pourquoi pas ? Ça mange pas de pain.

Là où il y a un truc légèrement pathétique, c'est quand des communes pensent qu'elles vont attirer du touriste en ajoutant la mention "en Périgord noir" dans leur communication. C'est ainsi que depuis quelque temps, j'habite à Azerat en Périgord noir. Je n'ai pas noté de hausse significative du tourisme pour autant[1]. Qu'y a-t-il donc à voir à Azerat ? Une chapelle. Si on élargit un peu le rayon, on a le château de Rastignac que l'on ne peut pas visiter, une église à Thenon, un château que l'on ne visite pas non plus à Peyrignac. Si l'on pousse vers Terrason [2] on a une belle vue sur la Vézère depuis les hauteurs et quelques aménagements agréables à l'œil. Il faut descendre sur Montignac pour voir du faux Lascaux refait au plus près de l'original. Bien sûr, pour peu que l'on soit guidé et intéressé, on trouvera de charmants endroits un peu partout à Azerat et dans ses environs. J'en connais quelques uns.

Et tout ça pour dire que ce matin je me suis souvenu de la raison d'être du dessin dont je vous parlais. C'est bien en relation avec le Périgord noir et l'emploi de cette appellation marketing à toutes les sauces qui, sans vraiment m'agacer, m'amuse et me désole. S'il est certain qu'une petite commune comme Azerat n'a ni les moyens ni les raisons d'investir grand chose dans le tourisme et que, pour pas cher, il est simple d'accoler ce « en Périgord noir » sur quelques documents, il me semble que c'est aussi assez vain et légèrement idiot.

Périgord noir
A défaut d'imagination, on sort des idées idiotes

Notes

[1] par honnêteté, je signale que je ne note pas grand chose au sujet de la vie de la commune

[2] mais nous sommes déjà à une quinzaine de kilomètres

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