Le printemps, c'est maintenant !

« C'est l'printemps, tout le monde baise à perdre haleine… », chantait le poète. Si l'on compte bien et avec précision, le moins que l'on puisse dire, c'est que depuis la nuit des temps, des printemps, il y en a eu une tripotée. Et en voilà donc un de plus qui s'ajoute à la quantité phénoménale de printemps déjà enregistrés au compteur. Je ne vais pas vous en faire la liste ici, ce serait fastidieux et lassant. Mais je le pourrais si je le voulais. Ce serait long mais je le pourrais.

Il y a le printemps des poètes, le printemps de Prague, les printemps arabes, le printemps noir de Cuba, le printemps des peuples. Celui d'aujourd'hui, est juste un printemps d'équinoxe comme il y en a déjà tant eu. Pas de quoi en faire un fromage. Si d'aventure il arrivait que le printemps déboule en plein mois de novembre, il y aurait de quoi causer mais là, non, il est juste à sa place et c'est déjà le signe (rassurant) que la Terre tourne toujours un peu de la même manière autour de son astre et de son axe.
Si le printemps est parfois vu comme la saison des amours, on ne peut pas écarter d'un vif revers de manche l'éventualité de voir un jour un printemps des haines (ou des hyènes, des aines et même, pourquoi pas, pour celles et ceux que ça peut concerner, des "N+1").
Ce serait là, somme toute, une bonne chose tant il m'apparaît comme salutaire et indispensable de laisser parler sa haine un peu plus souvent. En réalité, les raisons fondées d'être haineux ne manquent pas. Il semble même, parfois, que l'on nous pousse à laisser exploser ce beau sentiment. On la provoque, on l'entretient, on l'attise. La haine, la belle haine, la haine viscérale, celle qui vous prend aux tripes, qui ne vous lâche pas, fidèle, qui vous fait voir rouge, écumer, grogner, gronder, vous exclamer, vociférer, agir, frapper, détruire, annihiler, exterminer, tuer, cette haine là, cette vraie haine, pas juste un bête mécontentement, est de ces émotions qui grandissent l'Homme (avec un grand hache), qui montre la vraie nature du genre humain, qui l'élève au-dessus de l'animal, qui le hisse au sommet de tout. La haine, c'est de la puissance à l'état brut, de la violence de toute beauté, du déferlement de barbarie, de l'exultation des sens, de la joie sans limite, de la jouissance pure et complète, intense, totale, libératrice. C'est beau.
Ce qui est bath avec la haine, c'est qu'elle est communicative. On peut la partager avec autrui, on peut la transmettre, la faire grandir, s'épanouir. Et alors, alors, on n'est plus tout seul dans son coin à la ruminer comme une vache son herbe. On devient foule haineuse, peuple en colère, révolution bouillonnante et tumultueuse, avide de faire payer leurs méfaits à ceux qui l'oppriment, le bafouent, le brutalisent. Ce n'est que la monnaie de la pièce, finalement. Un prêté pour un rendu, en quelque sorte.
Cultivons notre haine, gorgeons nos racines de l'engrais fourni par nos dirigeants qui, jour après jour, nous engagent presque à faire grossir cette haine comme s'ils espéraient en retour en récolter les fruits. Ils ne sont pas sots, ils savent qu'à trop tirer sur la ficelle, elle craque, elle rompt. Ils le savent, ils l'espèrent. Peut-être ? Allez savoir, vous, ce qui se passe dans la tête de celles et ceux qui veulent le pouvoir ! Peut-être aspirent-ils à expier leurs péchés, à se laver de leurs fautes ? Peut-être espèrent-ils, au terme du terme, gagner leur place au paradis, martyrs de leurs délires de puissance ? De leur hybris ?

Moi, je suis à Azerat qui est un petit village bien morne, bien tranquille. Dans le silence relatif de ma maison de bourg, avec juste le bruit des véhicules qui passent à quelques dizaines de mètres de ma fenêtre, je ne suis pas très haineux. Je n'ai même plus vraiment le courage de la colère. Un peu, comme ça, en passant, mais ça reste mesuré. De la colère de déjà vieux, finalement, de presque déjà un pied dans la tombe. Avec l'âge, je remarque que je m'assagis, renonce et baisse les bras encore plus. Je comprends bien qu'il est trop tard pour nourrir des rêves. Je ne suis pas du genre à faire trop d'efforts pour surnager malgré tout et à tenter d'éviter de sombrer. Je ne crois pas avoir de grandes idées ou un grand intérêt. J'ai bien conscience de la vanité de toutes choses. Se battre pour essayer de se convaincre que j'existe encore, très peu pour moi. D'ailleurs, pour être honnête, je ne suis pas certain d'avoir jamais existé réellement. Et d'agir encore moins !
Il m'arrive de faire des trucs, de tenter de bricoler un machin, mais ça, c'est simplement parce que, au moment où je le fais, j'ai l'envie ou l'idée de le faire. Un peu comme ce dessin fait à la "va-vite" ce matin, premier jour de printemps, où je me suis encore réveillé trop tôt à mon goût. Il m'a occupé un instant et j'aime bien être un peu occupé. Ça permet de ne pas regarder le temps qui passe.

4L Renault, mars 2023

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