La peur face à la connerie

C'est une soirée qui s'annonce agréable. C'est l'été, nous sommes quelques uns et z'unes attablés dans un joli jardin, c'est l'heure de l'apéritif, il y a de la bière fraîche, des olives, du saucisson et un vent léger qui dissipe un peu la chaleur. Les discussions partent un peu dans tous les sens. Tout va bien…

Je ne connais pas tout le monde, j'ai été invité pour une raison qui m'échappe encore. Je ne suis pas toutes les conversations. Celles qui causent de Brigitte qui est vraiment trop conne ou de Jean-Michel qui est casse-couilles, parce que je ne les connais pas, ne me passionnent pas. Une autre bière, j'écoute les conversations sans trop participer. A un moment, parce que, me semble-t-il, nous sommes entre gens "de gauche", entre gens bien, ça commence à dire du mal de la macronie. Je suis plutôt d'accord avec ce qui se dit jusque là. Les moqueries, les critiques, je pourrais très bien les énoncer. Les braises s'occupent des saucisses et tout va bien.
Et alors, patatras. On m'a apporté une nouvelle bière et sans que je m'y attende, voilà que Mathilde embraye sur le COVID et les vaccins et la macronie et Big Pharma. Aïe ! Surtout, tenir bon. Fermer sa gueule, faire comme si de rien n'était. Au besoin, prendre une autre bière et puis encore une autre et une autre. Tout pour éviter de se prononcer sur le sujet. J'en ai eu ma claque. Enfin voilà, on y est, on n'y peut rien. C'est la fatalité.
Mathilde, je ne sais pas bien ce qu'elle a bu (comme variété de boisson apéritive et en quantité) mais ça lui a fait de l'effet. La parole est libérée et elle s'exprime avec force et conviction. Elle en a gros sur le cœur, Mathilde. C'est qu'elle a entendu dire qu'une nouvelle campagne vaccinale allait débuter en octobre et elle, Mathilde, elle refuse le vaccin, ce nouveau vaccin comme les précédents. Elle le refuse pour elle et pour ses enfants. Selon elle, le gouvernement va le rendre obligatoire dès octobre mais elle résistera. Quitte à s'expatrier, elle et ses enfants. Elle n'en peut plus de la France et de la dictature.
Je bouillonne un peu mais je parviens à garder le silence. Consterné, j'entends plusieurs personnes qui suivent Mathilde et qui disent refuser elles aussi le vaccin. Parmi les principaux griefs contre les vaccins, le principal, c'est qu'il tue. Et pas qu'un peu ! Voyez un peu. Selon les sources entendues ce soir là, on n'a jamais enregistré autant de cas de décès de personnes encore jeunes à cause de crises cardiaques inexpliquées. Il y a une nana (j'ai oublié son prénom[1]) qui connaît une personne qui allait très bien jusqu'à ce qu'elle se fasse vacciner à deux reprises. Et là, paf ! On lui diagnostique un cancer incurable. Morte en moins de deux mois.
Jean-Luc, lui, il sait (de source sûre, certifiée, conforme) qu'il n'y a jamais eu autant de médecins (hommes et femmes), d'infirmiers et d'infirmières, qui désertent, qui démissionnent. Et pourquoi ? Parce qu'ils/elles savent, parce qu'ils/elles ne peuvent rien dire (représailles), et qu'ils/elles ne peuvent pas cautionner ce scandale mondialisé. Il va me falloir beaucoup de bières, ce soir.
Je parviens à fermer ma gueule, à ne surtout pas donner mon avis. Je cache le fait que je suis triple vacciné (et pas mort jusqu'à nouvel ordre). La soirée qui s'annonçait agréable devient difficile à supporter. En fait, personne n'ose contredire Mathilde et les quelques autres qui pensent que l'on veut nous tuer (?) en nous inoculant un vaccin contre une maladie qui n'existe même pas. Personne n'essaie non plus de parler d'autre chose. Il y aurait des sujets, pourtant. Je ne sais pas, moi, on aurait pu parler de Didier Raoult, par exemple, histoire de ne pas tomber dans la polémique.

Je suis parti juste un peu après minuit. On avait cessé de parler des vaccins, on avait mangé et bu mais je ne sais pas, il y avait eu un truc qui faisait que je n'avais pas envie de faire la fête. J'ai dit que j'étais crevé, que je dormais mal à cause de la chaleur et que j'allais rentrer et essayer de dormir.
Mon idée première, c'est que Mathilde et les autres antivax étaient cons, bêtes, stupides, qu'ils allaient trop sur ces réseaux sociaux qui propagent si bien les fake-news, les désinformations, les théories du complot, les rumeurs. Au moment où j'écris ces lignes, je me demande si, plus que la bête connerie, ce n'est pas plutôt de la peur qui pousse ces personnes à croire ces conneries. Alors, ça ne change pas grand chose, les conneries restent des conneries. Une peur qui colle assez bien avec notre époque, avec toutes les croyances plus ou moins ésotériques et étranges qui ont le vent en poupe.
Je ne suis sur aucun réseau social (hormis YouTube et Diaspora), j'essaie d'être vigilant quant à ce que je peux lire et écouter, j'essaie d'être critique, rationnel. Je me méfie des propos trop extraordinaires, des titres trop racoleurs. Il est possible qu'il faille beaucoup se méfier de ces réseaux sociaux tels que Twitter (X) ou facebook où n'importe qui peut dire n'importe quoi en s'adressant à une large population. On peut suivre quelqu'un parce que l'on a, par exemple, de la haine et du mépris pour Macron, et se laisser embringuer dans une communauté d'antivax, se laisser convaincre. Le problème, c'est que je ne vois vraiment pas comment on peut lutter contre la désinformation.

Note

[1] ceci dit les quelques prénoms donnés ici ont été changés

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